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SALAH GOUDJIL AU SOIR D�ALG�RIE :
�Belkhadem est devenu un za�m !� Entretien r�alis� par Fatma Haouari
Publié dans Le Soir d'Algérie le 30 - 06 - 2010

L�ancien membre de la direction du FLN est sorti de son mutisme par �devoir de m�moire�, nous dit-il, car, selon lui, le FLN a d�vi� de ses principes et de ses valeurs. Dans cet entretien � b�tons rompus qu�il nous a accord�, il accuse Belkhadem de s��tre octroy� les pleins pouvoirs � l�occasion du 9e congr�s, bafouant les r�gles de coll�gialit� qui ont permis au parti de survivre � toutes les crises qui l�ont travers�.
Avec les nouvelles pr�rogatives du secr�taire g�n�ral du FLN, Salah Goudjil estime que Belkhadem a instaur� la �za�ma�, qui le place au-dessus de toutes les instances du parti et qui fait de lui l�unique d�tenteur du pouvoir dans la prise des d�cisions politiques engageant le parti. Il explique �galement que c�est le diff�rend qui l�oppose � l�actuel patron du parti et qui a �clat� au grand jour durant le rendez-vous organique tenu � la Coupole du 5-Juillet. Plusieurs r�v�lations nous ont �t� faites, comme l�option de d�signation des mouhafadhs par le SG du FLN, au lieu de leur �lection par la base, la composante du bureau politique qui n�a, en fait, plus aucune pr�rogative pour cause de dilution des responsabilit�s, la liste des membres du comit� central qui n�a pas encore �t� rendue publique, le d�s�quilibre dans la repr�sentation des wilayas, le quota insignifiant des postes politiques accord� aux femmes. Il d�nonce aussi l�opacit�, l�exclusion et l�absence de d�bat d�mocratique.
Le Soir d�Alg�rie : Vous �tiez membre de la direction du FLN. Pouvez-vous nous faire le bilan des cinq derni�res ann�es ?
Salah Goudjil : Si on doit faire un bilan, je dirai que ces cinq derni�res ann�es ont �t� difficiles, dans le sens o� on venait de traverser une crise assez complexe et qu�on avait comme objectif la r�unification du parti, ce en quoi on croyait fortement. On avait mis en place des structures qui auraient permis d�absorber toutes les dissensions et toutes les divergences et de maintenir l��quilibre au sein du parti. Sans oublier que ces nouveaut�s auraient aussi permis la modernisation du parti. Je dois vous dire qu�en ce qui me concerne, j��tais convaincu de la r�ussite de la r�conciliation entre les militants du FLN mais aujourd�hui, avec ce qui se passe, je ne peux cacher ma d�ception. La fa�on dont est men� le parti me fait mal, et si j�ai d�cid� de parler, c�est par devoir envers mon pays, le parti et les militants. J��tais contre la dissolution du conseil national ainsi que des autres structures mises en place lors du 8e congr�s rassembleur. Il fallait juste les �purer. Nous avions trouv�, l�, de bons m�canismes pour faire fonctionner le parti en y maintenant une certaine stabilit�. En tout cas, l�esprit de coll�gialit� restait plus ou moins intact. J�ai d�sapprouv� le retour aux anciennes appellations ; je l�ai dit devant tout le monde, sauf que j��tais en position minoritaire. Le danger r�side dans les statuts qui donnent les pleins pouvoirs � Belkhadem. Il n�est plus responsable devant les autres instances, il n�est pas SG du CC, il est SG du FLN. Il peut d�signer comme il peut d�mettre. Il est le ma�tre absolu.
Justement, la c�l�rit� avec laquelle ont �t� conduits les travaux du 9e congr�s et, avant cela, ceux du conseil national donne l�impression qu�ils ont �t� b�cl�s, voire ficel�s d�avance. Qu�est-ce qui a motiv�, selon vous, cette urgence ?
C�est une question importante � laquelle je r�pondrai qu�effectivement, c�est le constat que l�on peut faire. Concernant le 9e congr�s, je n��tais pas du tout d�accord avec la date arr�t�e pour sa tenue. J�en avais fait part � Belkhadem et au comit� ex�cutif, car j�estimais que nous n��tions pas pr�ts pour l�organiser. Il y avait dix mouhafadas avec leurs kasmas qui n��taient pas l�gitimes. Il fallait d�abord assainir ces structures pour que les militants qui devaient venir au congr�s soient les repr�sentants l�gitimes de la base, et ce en passant par des �lections propres et transparentes. Mais ceux qui sont venus �taient d�sign�s. Donc point de l�gitimit� et, en cons�quence, m�me la direction �tait frapp�e d�ill�gitimit�. Mais Belkhadem n�a pas tenu compte de mes appr�hensions et a refus� de faire reculer la date. Je lui ai expliqu� mes raisons, devant la direction du parti et par �crit, en vain. Lors de la derni�re r�union de l�ancienne direction, nous avions �mis une instruction stipulant clairement que la liste des militants devait �tre affich�e dans chaque kasma et que celui qui n�y trouvait pas son nom avait le droit de faire un recours pour demander � y figurer. J�avais dit � Belkhadem qu�un assainissement sous cette forme permettrait de conna�tre le nombre de militants et de pouvoir proc�der � l�organisation d�assembl�es �lectives pour l��lection des d�l�gu�s au congr�s. Mais cette op�ration n�cessitait plus de temps, car nous ne pouvions pas l�entreprendre en 15 jours. Il nous fallait au moins 3 mois, et de ce fait, il fallait le reporter. Il a r�pondu que j��tais le seul � r�clamer ce report et que les autres ne disaient rien. R�sultat, des probl�mes partout, � M�sila, Batna, Biskra, Khenchela, Sa�da, Na�ma, Oran, Tlemcen, Mostaganem, El-Oued, et j�en passe. Toutes ces wilayas �taient en butte � des probl�mes � cause de l�ill�gitimit� des responsables au regard des statuts et r�glements du parti. Le pire est que maintenant, le fait que le mouhafadh soit d�sign� cr�era d�autres probl�mes. Les mouhafadhs en place actuellement vont se pr�parer de fa�on � demeurer � leur poste. Le grand d�fi pour le parti est de se maintenir � la premi�re place en tant que formation majoritaire. Nous allons vers des rendez-vous �lectoraux, les �lections l�gislatives de 2012 arrivent, et en mon for int�rieur, je suis pessimiste. Pourrions-nous avoir la majorit� ? J�en doute. Je le dis pour l�Histoire. Les r�sultats des derni�res s�natoriales sont un signe avant-coureur qui nous �claire sur la situation que l�on veut � tout prix occulter.
Vous avez quand m�me �t� associ� aux pr�paratifs du 9e congr�s puisque vous faisiez partie de la commission de pr�paration. Pourquoi ne pas avoir mis sur le tapis ce qui vous d�rangeait dans le fonctionnement du parti ?
J�ai �mis des r�serves et je l�ai dit devant tout le monde avant et pendant les r�unions, et durant le congr�s. Mais que voulez-vous, nous �tions une minorit� � vouloir engager une discussion rationnelle. En outre, comme j��tais en charge des relations avec l�ext�rieur, je ne voyais pas vraiment ce qui se tramait. Mais quand Belkhadem m�a demand� de faire des propositions concernant la constitution du bureau politique, je lui ai dit clairement que je ne ferai pas de propositions concernant des personnes mais pour des missions. J�en ai propos� onze. Il en a tenu compte et en a adjoint quatre autres. Malheureusement, ces missions ont �t� dilu�es dans des commissions pr�sid�es par des responsables autres que ceux qui sont membres du bureau politique. Ces derniers n�ont pas �t� satisfaits, et Belkhadem a, de la sorte, opt� pour le dogmatisme au lieu du pragmatisme. Ceci dit, le premier constat qu�on peut faire est que la constitution du comit� central a donn� lieu � un d�s�quilibre. En terme de repr�sentation, on remarque qu�une wilaya est repr�sent�e par un nombre important par rapport � une autre, alors que les textes du parti sont clairs � ce sujet. Chaque wilaya, quelle que soit son importance, grande ou petite, doit �tre repr�sent�e par trois membres. Or, on se retrouve avec une wilaya forte de 14 repr�sentants. Le deuxi�me constat concerne les statuts. Pour �tre membre du comit� central, il faut justifier de 10 ans de militantisme. Or, des membres si�geant dans le CC ne remplissent pas ce crit�re. Pour ce qui est des femmes, il n�y en a que 34, alors qu�elles �taient 90 au conseil national. C�est une v�ritable r�gression. D�s lors, on est en droit de se poser la question suivante : pourquoi la liste des membres du comit� central n�a-t-elle pas encore �t� d�voil�e ?
Votre d�part ainsi que celui d�Abdelkrim Abada et de Sa�d Bouhadja de la direction du parti ont �t� une v�ritable surprise pour tout le monde, d�autant que c�est gr�ce � vous que le parti a pu garder sa coh�sion durant les moments de crise v�cus par le FLN. Pourquoi Belkhadem vous a-t-il �cart�s ?
Je vais vous expliquer une chose tr�s importante. Belkhadem ne tol�re pas qu�on le contredise ou qu�on demande des explications. Il veut �tre le seul � dicter ce qu�on doit faire, sans discuter et sans en d�battre. Avec les nouveaux statuts du parti, il a compl�tement remis en question le fonctionnement d�mocratique des instances horizontales et verticales. Belkhadem est devenu un za�m, mais la za�ma au FLN est bannie. Le parti ne peut pas fonctionner comme une zaou�a, avec un cheikh et ses maqadims. Le parti a pour principe cardinal et valeur fondamentale la coll�gialit�. C�est l� tout le myst�re de la grandeur du parti, et c�est aussi la raison de cette p�rennit� qui a fait que toutes les crises qui l�ont travers� ne l�ont pas �branl�.
On croit savoir que vous avez �t� destinataire de la part de Belkhadem d�une lettre, apr�s votre d�part. Que dit cette lettre ?
Effectivement, j�ai �t� destinataire d�une lettre de la part de Belkhadem juste apr�s la constitution du nouveau bureau politique. Abada et Bouhadja ont re�u une lettre similaire. Elle vantait mes m�rites et mon parcours au sein du parti. Cette lettre m�a profond�ment bless�, car j�avais l�impression d�assister � un hommage post mortem. Belkhadem voulait m�enterrer politiquement.
Le 8e congr�s organis� par Benflis est entour� de beaucoup d�interrogations. Pourriez-vous nous �clairer � ce sujet ?
Il faut que je vous le dise. Avant le congr�s de Benflis, il y a eu d�abord le congr�s de Belkhadem, et c�est Abdelhamid Si-Affif qui devait le pr�parer � l�h�tel El-Aurassi. Mais ce congr�s a �chou�. Quant au congr�s de Benflis, il a �t� annul� par une d�cision de justice, gr�ce � l�exploitation de failles dans les statuts. D�abord, la justice a constat� que 24 mouhafadas n�avaient pas de bureau �lu ; c�est le cas du 9e congr�s, dans un nombre moindre. La liste des responsables, que ce soit au comit� central ou au bureau politique, �tait remise en cause. Des responsables au sein de ces deux structures ne remplissaient pas les conditions d��ligibilit� requises, concernant notamment le nombre d�ann�es de militantisme au sein du FLN. C�est sur ces anomalies que la justice s�est appuy�e pour rendre son verdict annulant le congr�s et gelant les activit�s du parti. Si on fait la comparaison, on peut dire qu�aujourd�hui, on est dans la m�me situation. Il est vrai qu�� cette �poque, j��tais avec Benflis. Mais j�ai d�sapprouv� le fait qu�il se fasse �lire par le congr�s. Cela �quivaut � le placer au-dessus de tout. Et c�est encore par respect du principe de coll�gialit� que j�ai affich� mon d�saccord en ce temps-l�.
Pourquoi n�y a-t-il pas eu d�autres candidats au poste de secr�taire g�n�ral, � part Belkhadem ?
Personne ne lorgnait sa place, c�est pour cette raison qu�il est difficile de comprendre son comportement.
Le FLN a toujours �t� un tremplin pour acc�der aux postes de responsabilit� dans les institutions de l�Etat, y compris la pr�sidence. Pensez-vous que Belkhadem ambitionne de se porter candidat � l��lection pr�sidentielle de 2014 ?
Quand on pr�pare les l�gislatives, on ne pr�pare pas automatiquement la pr�sidentielle. Mais je pense que Belkhadem a lui-m�me r�pondu � cette question au cours d�une conf�rence de presse. Il a bien dit que tout parti politique avait le droit de pr�tendre au pouvoir.
La position du parti concernant la proposition de loi sur la criminalisation du colonialisme, dont l�initiateur est Moussa Abdi, d�ob�dience FLN, est floue. Quel sort lui r�serverait-on ?
Je suis d�put�, moudjahid, issue d�une famille de chouhada. J��tais membre de la direction du FLN, et jusqu�� pr�sent, je n�ai re�u aucun texte traitant de cette loi, ni m�me �t� invit� � la signer. Belkhadem a fait des d�clarations � ce sujet, mais aucun d�bat n�a �t� engag� au sein du parti, pas m�me une discussion s�rieuse. L�absence de d�bat est devenue l�gion. Quant au sort que l�on r�serverait � cette proposition de loi, je peux vous dire honn�tement que je n�en ai aucune id�e. Toujours est-il que Belkhadem en parle comme si cela n�engageait que lui. Voil� o� le b�t blesse. C�est cette absence de d�bat que je d�nonce.
Selon certaines rumeurs, il figurerait parmi les responsables au sein du parti des binationaux, �galement de nationalit� fran�aise, s�entend. Est-ce vrai et si tel est le cas, pourquoi le cache-t-on ? L�on dit aussi que ce sont eux qui mettent la pression pour que la proposition du d�put� Moussa Abdi ne soit pas suivie d�effet ?
A cette question, je r�pliquerai juste que le diable est dans le d�tail !
Faisons un petit retour sur l�histoire du FLN. C�est toujours au moment de la constitution du bureau politique que les divergences apparaissent. Pourriez-vous nous parler du premier congr�s, puisque vous y �tiez ?
Tout au d�but, tous les responsables �taient d�accord sur le programme de Tripoli, pr�par� par la commission que pr�sidait � l��poque Ahmed Benbella, sur la reconversion de l�ALN. Certains responsables ont opt� pour l�administration, d�autres sont rest�s dans l�arm�e qui d�ALN devenait l�ANP, et moi, j�ai opt� pour le FLN qui devenait un parti, j�ai choisi la vie politique. Tout cela se passait comme dans le meilleur des mondes. La seule et unique divergence concernait effectivement la constitution du bureau politique. La derni�re r�union du Conseil national de la r�volution alg�rienne (CNRA) �tait d�di�e � l�adoption du programme. Mais au lendemain de cette r�union, alors qu�on devait d�signer le bureau politique provisoire, les choses ont mal tourn�. Ferhat Abbas (pr�sident du Gouvernement provisoire de la R�publique alg�rienne) avait refus� le terme socialisme contenu dans le programme. C�est � ce moment-l� que le GPRA et l��tat-major avaient pris des directions diff�rentes. C�est toujours quand il s�agit de l��lection du bureau politique qu�il y a divergence et que les choses se g�tent. Il faut croire que ce mal a toujours exist� !
Vous d�noncez le fait qu�il n�y ait plus de coll�gialit� ni de d�bat libre au sein du parti. Comment y rem�dier ?
Nous sommes arriv�s � une �tape cruciale et importante dans la vie politique du FLN. Je lance un appel � la force d�esprit des cadres et des militants du parti pour d�battre d�mocratiquement et ouvertement � l�int�rieur des instances et des structures du parti, de tout ce qui entrave le bon fonctionnement sur les plans organique et organisationnel, et surtout pour ne pas perdre de vue les valeurs, les traditions et les principes fondamentaux et cardinaux de leur formation politique, de pr�server et maintenir le FLN en bonne place dans la classe politique. Notre parti regorge de ressources humaines, de comp�tences appr�ciables qui peuvent �merger pour peu qu�elles trouvent l�espace et les moyens pour s��panouir et se promouvoir. Mon souhait est que ce vivier de richesses humaines s�implique dans la construction d�un parti fort de son histoire, de son parcours et de son esprit novembriste, sa principale source d�inspiration et sa raison d��tre, d�un parti qui soit au service du valeureux peuple alg�rien et de notre pays et non au service de personnes et leurs ambitions politiques. Et ce n�est point de la d�magogie.


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