Le port du drapeau amazigh est criminalisé. Seize manifestants, arrêtés vendredi à l'occasion du 19e acte de mobilisation populaire contre le système, ont été placés, hier, par le juge d'instruction du tribunal de Sidi-M'hamed, à Alger, sous mandat de dépôt. Ils sont poursuivis pour « atteinte à l'unité nationale». Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Selon l'avocate Fetta Sadat, l'un des manifestants était arrêté non pour avoir arboré le drapeau amazigh mais pour avoir brandi une pancarte sur laquelle il demandait la libération des détenus. Un autre prévenu est une personne étrangère, un Jordanien selon l'avocate, un Palestinien, selon d'autres sources. C'est la deuxième fois que des manifestants sont placés en détention provisoire pour le même motif, après les 14 personnes arrêtées la semaine passée. Dans d'autres wilayas où des citoyens ont été interpellés, les manifestants qui arboraient le drapeau amazigh ont été mis sous contrôle judiciaire (Oran) ou relâchés sans être présentés devant les juges (Tamanrasset). La décision d'hier de placer les 16 jeunes pacifiques en détention est « arbitraire », selon plusieurs défenseurs des droits de l'Homme. C'est une décision qui a scandalisé bien des observateurs, des partis politiques, des défenseurs des droits humains, des organisations de la société civile. « La décision de mettre toutes les personnes interpellées durant la marche du 28 juin et aussi le moudjahid Lakhdar Bouregaâ sous mandat de dépôt est une grave atteinte aux libertés individuelles et collectives », a dénoncé le président de RAJ, Abdelouahab Fersaoui. « C'est scandaleux. L'arrestation de ces jeunes dont le seul tort est de manifester pacifiquement est arbitraire. Nous demandons la libération sans conditions de tous les détenus et nous condamnons cette décision », s'emporte, de son côté, Mustapha Hadni, coordinateur du PLD. Alors que ces jeunes sont présentés devant le juge d'instruction, une foule nombreuse s'est rassemblée devant le tribunal, en soutien aux personnes arrêtés et aux membres de leurs familles venus assister au rassemblement. Parmi les présents, des responsables de partis politiques (PT, RCD, FFS et PST), des députés, des militants et de simples citoyens. Le président du RCD, Mohcine Belabbas, la présidente de l'UCP, Zoubida Assoul, et le coordinateur de l'instance présidentielle du FFS, Ali Laskri, étaient parmi ceux qui sont venus apporter leur soutien à la cause des prévenus. Consternation Tous étaient unanimes à condamner les arrestations et exiger la libération des détenus. Face à un dispositif sécuritaire qui les a tenus éloignés du tribunal, la foule scandait des slogans pour la libération des détenus. Un policier interroge deux jeunes qui sont restés à l'écart sur l'objet de leur présence. « Je suis venu pour mon frère arrêté pour avoir porté le drapeau kabyle », répond un jeune. Et au policier de le corriger : « C'est le drapeau de tout le peuple algérien. Il est porté dans toutes les wilayas. C'est le drapeau de tous les Amazighs, y compris dans les autres pays de l'Afrique du Nord, le Maroc, la Tunisie, la Libye… » Un jeune, en colère, s'approche d'un agent de l'ordre, lui demandant de ne pas réprimer les manifestants. A la fin, le jeune lui demande de dire « vive l'Algérie ». Le policier hésite. Le jeune insiste. Le policier s'approche de l'oreille de son interlocuteur et le lui prononce à très basse voix. Les conversations entre les présents tournaient toutes autour du mouvement populaire et de la répression des manifestations notamment à Alger. Unanimes, ils ont exprimé leurs craintes quant à l'éventualité de l'instauration d'une nouvelle dictature militaire. « Par cette décision arbitraire, le pouvoir veut aussi faire peur aux Algériennes et aux Algériens en utilisant la police pour réprimer, la propagande pour diviser et la justice aux ordres qui est loin d'être indépendante », affirme Abdelouahab Fersaoui, président de RAJ, dans une déclaration publique, appelant à plus de vigilance et à maintenir et renforcer la mobilisation pacifique. L'avocat et militant Mokrane Aït Larbi, a dénoncé, dans un communiqué, les arrestations des manifestants, affirmant que le pouvoir dissimule son échec derrière l'interdiction de l'emblème amazigh et l'arrestation de plusieurs personnes qui l'ont brandi lors des marches des 21 et 28 juin. La Laddh estime, pour sa part, que les choix du pouvoir ne feront qu'envenimer le climat au risque de mener le pays vers l'irréparable et le chaos. K. A.