Pour ce vingtième vendredi de contestation du système qui coïncide avec le 5 Juillet, la fête de l'Indépendance, à l'instar de toutes les autres régions, la population de Béjaïa est sortie massivement dans la rue pour rappeler l'exigence d'un changement radical du régime et l'instauration d'un véritable Etat de droit pour lesquels elle s'est mobilisée depuis près de cinq mois. La canicule qui a sévi ce jour à travers toute la wilaya n'a aucunement dissuadé les citoyens de se déplacer en force de toutes les municipalités de cette région de la Basse-Kabylie avec le même mot d'ordre : se réapproprier cette date phare marquant la libération du pays du joug colonial français et faire par la même occasion de ce rendez-vous avec l'histoire, une journée de lutte pour restituer enfin l'Algérie à son peuple. Plus importante que les derniers vendredis de manifestation, la mobilisation citoyenne était impressionnante à l'occasion de la célébration de cette journée hautement symbolique marquant l'indépendance du pays chèrement arrachée au prix de très lourds sacrifices du peuple et du sang de un million et demi de martyrs. Nombre d'observateurs parlent d'une mobilisation citoyenne record à Béjaïa depuis le début de cette révolution pacifique contre le système. Des cortèges de véhicules sur plusieurs kilomètres qui continuaient à affluer vers le chef-lieu de wilaya sont signalés, deux heures après le début de la marche vers 13h30 alors qu'au même moment, les principales artères de la ville étaient déjà noires de monde. Les dizaines de milliers drapés des emblèmes national et amazigh et dont certains portaient des portraits de nombreux héros de la révolution de Libération nationale ont défilé aux cris fustigeant le chef de l'Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, mais aussi le chef de l'état-major. La marche de ce 20e vendredi de manifestation consécutif contre le régime a vibré aussi au rythme de slogans réclamant un Etat civil et non un Etat militaire. La rue béjaouie a aussi rejeté l'appel de Bensalah à une rencontre inclusive pour un dialogue, en vue de la tenue d'une prochaine présidentielle, tout en réclamant la mise en place d'une réelle transition démocratique en dehors du système en place corrompu. La ferme détermination se lisait sur tous les visages de l'imposante foule, composée de différentes couches de la société, à poursuivre la protestation jusqu'au départ de l'ensemble des symboles incarnant le régime en place et faire recouvrer la liberté et la dignité du peuple. La présence en force de la gent féminine et des familles dans une ambiance de fête est aussi observée. Comme un seul homme, l'impressionnante foule de manifestants a réaffirmé son engagement à maintenir la pression sous le même slogan en faveur de la construction de cette Algérie plurielle et démocratique, rêve d'une jeunesse algérienne qui risque sa vie dans des embarcations de la mort pour fuir un pays gangréné par la corruption. L'ombre des manifestants incarcérés pour cause de port de l'emblème amazigh ainsi que celle du maquisard Lakhdar Bouregâa ont plané tout le long de la manifestation de ce vendredi. La libération de l'ensemble des détenus d'opinion et des manifestants ayant brandi l'emblème amazigh symbole de l'identité millénaire du peuple algérien, a été réclamée avec force lors de la marche d'hier à Béjaïa. Un immense tifo symbolisant cette date historique du 5 Juillet 1962 et le 57e anniversaire de l'indépendance nationale a été déployé à la cité CNS se trouvant à quelques encablures du siège de la Wilaya au centre-ville de Béjaïa. Les concepteurs du tifo entendent mettre en exergue la similitude entre ces deux dates que sont le 5 Juillet 1962, lorsque le peuple algérien a ébranlé, selon eux, le colonialisme français pour une Algérie libre et démocratique et le 5 juillet 2019 avec cette révolution pacifique de tout le peuple ayant ébranlé le système politique en place, avec l'espoir d'une nouvelle Algérie des libertés, de la justice et de la dignité, a-t-on symbolisé en substance à travers cet immense tifo. Il convient de signaler qu'une deuxième manifestation imposante a été observée dans la ville d'Akbou avec les mêmes mots d'ordre d'une rupture radicale avec le régime en place et la mise en place d'une transition démocratique. A. Kersani