Une nouvelle affaire incroyable impliquant d'anciens ministres et hauts responsables de l'Etat, dévoilée il y a quelques heures par la justice, a mis à nu l'ampleur dramatique des pratiques de ceux qui nous gouvernaient jusqu'à un temps récent. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Tout a commencé ce week-end, lorsque la Gendarmerie nationale, affairée à «ratisser» le plus large possible pour démanteler les réseaux de corruption qui se sont construits sous l'ère de Abdelaziz Bouteflika, obtint des éléments faisant état de l'existence d'une villa où se déroule «un manège douteux» à Moretti. Le lieu est connu pour être ou avoir été majoritairement peuplé par les membres de la nomenklatura algérienne proche du pouvoir ou bénéficiant de privilèges lui permettant d'y être logé. Comme à Club-des-Pins, les lieux ont commencé à se vider de leurs occupants depuis quelques semaines déjà, mais la demeure en question «continuait à être occupée par des personnes inconnues». En possession des ces éléments, les enquêteurs décident de perquisitionner l'habitation. Une découverte des plus importantes s'effectue alors. Elle est portée à la connaissance du public par le tribunal de Chéraga, qui publiait, dimanche après-midi, un communiqué à cet effet : «113 439 200 millions de dinars, 270 000 euros, 30 000 dollars et 17 kilos de bijoux.» Les éléments des forces de l'ordre procèdent immédiatement à l'arrestation des occupants de cette maison et annoncent que douze personnes ont été mises sous mandat de dépôt dans le cadre de cette affaire. Dans la liste établie et composée majoritairement d'initiales figurent trois noms bien connus des Algériens… Abdelghani Hamel, Abdelghani Zaâlane et Mohamed Ghazi. Le même communiqué indique que les dossiers de l'ancien patron de la DGSN, de l'ancien ministre des Transports et de l'ancien ministre du Travail ont été transmis à la justice. Explications d'experts en matière juridique : «Nous sommes en présence d'une affaire très grave qui laisse supposer deux choses : les noms de ces anciens ministres et de Hamel ont été cités par les personnes arrêtées et dont on ne connaît que les initiales, ou alors que l'enquête qui se mène avec les enfants de l'ancien directeur général de la Sûreté nationale a permis l'obtention des éléments qui ont dirigé les enquêteurs vers cette habitation suspecte. Mais quel que soit le cas de figure, ces ministres et l'ancien DGSN sont directement liés à ces sommes d'argent et ces bijoux découverts, reste à savoir la raison pour laquelle ce magot se trouvait ici.» Des hypothèses sont émises : cet argent a-t-il été placé dans un lieu que les concernés considéraient comme étant sûr en raison de la conjoncture ? Etait-il destiné à être acheminé vers l'étranger ? Une nouvelle opération de fuite de capitaux comme il en existe tant en ce moment ? La réponse à ces interrogations ne viendra que des éléments que la justice fournira inévitablement dans les jours à venir. Une certitude, Abdelghani Hamel, Abdelghani Zaâlane et Mohamed Ghazi risquent tous les trois très gros dans une affaire qui révèle l'ampleur de l'enrichissement illégal des anciens responsables algériens. Placé en détention provisoire pour corruption, l'ancien patron de la DGSN, qui séjourne déjà à la prison d'El-Harrach où sont également incarcérés trois de ses enfants, ses deux fils et sa fille, ainsi que son épouse, a été placé sous contrôle judiciaire dans le cadre du même dossier. Abdelghani Zaâlane, dont le nom a été cité dans pas moins de quatre affaires de corruption, a été placé deux fois sous contrôle judiciaire par le procureur de la Cour suprême. La seconde fois a eu lieu hier dans l'affaire Tahkout. Mohamed Ghazi, ancien ministre du Travail et précédemment trois fois wali, a été auditionné tout au long de la journée de samedi par le procureur du tribunal de Chéraga. Son fils, qui comparaissait en même temps, a été placé sous mandat de dépôt et écroué à la prison de Koléa pour corruption et faux et usage de faux. Les enquêtes qui se poursuivent les concernant risquent d'apporter d'autres révélations… A. C.