L'enquête déclenchée autour de l'ancien ministre de la Justice avance à grands pas, font savoir des sources dignes de foi, et elle a déjà conduit, ce samedi dernier, à une mesure restrictive à l'égard de l'ancien inspecteur général de la justice mis en place par Tayeb Louh. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Cette mesure n'est pas des moindres car il s'agit d'une ISTN (interdiction de sortir du territoire national) et son but vise à garder sous la main des enquêteurs un homme jusque-là doté d'une lourde charge dans une institution sensible, socle de tout bon fonctionnement dans un Etat désireux de garantir, non seulement l'équité, mais aussi qui constituent le point de départ de tout bon fonctionnement des appareils d'un pays. La prise d'une telle décision veut dire que des soupcons sérieux pèsent sur le concerné auquel, apprend-on, il aurait été également interdit de communiquer avec l'ancien Garde des sceaux, Tayeb Louh, ou même son entourage puisque ce dernier fait lui aussi, et comme on le sait, l'objet d'une enquête très spéciale menée par l'Office de répression de la corruption auquel les responsables du moment accordent une grande confiance, nous dit-on. Le directeur général de cet organisme, Mokhtar Lakhdari, a été nommé au début du mois de juin dernier, soit près de quatre mois donc après le déclenchement des évènements dans le pays, par des dirigeants qui ont fait de la lutte contre la corruption qui sévissait en haut lieu l'épine dorsale de la démarche enclenchée au lendemain de la chute du régime Bouteflika. La décision de confier à l'organisme qu'il dirige l'enquête qui concerne Louh n'est pas du tout fortuite, apprend-on, par ailleurs, car elle vise un homme qui a su mettre en place des réseaux vastes et puissants au niveau de l'institution qu'il tenait sous sa coupe et bien au-delà puisqu'on lui prête une proximité étroite avec l'ancien patron de la gendarmerie nationale qui, lui, pesait naturellement de tout son poids sur l'équipe d'enquêteurs chargés des affaires sensibles en cours. La puissance de Belkecir a été toutefois réduite au minimum ces derniers mois, nous dit-on, avec la mise à l'écart de certains officiers au cours du mois précédent. L'affaire qui concerne l'ancien garde des Sceaux a débuté dans la discrétion la plus absolue, il y a deux mois de cela avec le déclenchement d'une enquête autour des biens immobiliers de Tayeb Louh. Voyant les évènements se précipiter, et conscient de la délicatesse du moment, celui-ci a tenté d'user de tous les subterfuges administratifs possibles pour opérer des transferts de noms des biens lui appartenant ou appartenant à ses proches, nous apprennent les mêmes sources. Certains des hommes qu'il avait mis en place lors de son règne au niveau du ministère de la justice n'y sont pas étrangers et plusieurs d'entre eux ont déjà fait l'objet de convocations et auditions de la part des officiers de la police judiciaire employés par l'office de répression contre la fraude. Parmi eux, certains ont enfoncé de manière dramatique l'ancien ministre révélant des abus de fonction et des pratiques incroyables notamment en matière de mise en place d'artifices judiciaires visant à couvrir la corruption qui sévissait dans les hautes sphères. La gangrène a atteint un point tel que les premières affaires anticorruption déclenchée après la démission de Abdelaziz Bouteflika ont nécessité une stratégie bien définie. Les différents changements opérés au sein de l'appareil judiciaire entrent d'ailleurs directement dans ce cadre. Pas moins de dix nouvelles nominations ont eu lieu durant le mois de juin dernier, tant au niveau du tribunal de Sidi M'hamed qu'à la Cour suprême, deux institutions stratégiques où les postes clés étaient occupés par des hommes mis en place par Tayeb Louh. Il s'agit notamment du poste de procureur général de la cour d'Alger, qui a enregistré le retour de Belkacem Zeghmati, du président de la cour d'Alger, du procureur de Sidi M'hamed, du premier président de la Cour suprême, du procureur général, de l'avocat général de la même instance mais aussi de l'inspecteur général et du directeur général des affaires judiciaires et juridiques au ministère de la justice. Le communiqué annoncant ses changements a fait également état du limogeage de Boukhars Fatiha, épouse du général Belkecir, qui occupait le poste de présidente de la cour de Tipasa. Selon les informations que nous détenons, il a été également procédé à de nouvelles nominations au niveau des magistrats de la seconde chambre, nommés eux aussi par Tayeb Louh, et dégommés «pour éviter toute influence sur les affaires anti-corruption en cours», nous dit-on. L'ancien garde des sceaux s'est, quant à lui, déplacé au cours de la semaine précédente pour remettre ses documents de voyage aux instances concernées et a été auditionné, ainsi que certains de ses proches et d'anciens collaborateurs, dans le cadre de l'enquête préliminaire en cours. A. C.