Les enquêtes judiciaires en cours ont permis de collecter des preuves accablantes sur les méthodes utilisées par les Bouteflika dans le cadre du financement de la campagne électorale pour le cinquième mandat. Les éléments récoltés ont aussi et surtout permis d'apprendre que près de 585 milliards ont été mis à la disposition de l'ancien Président, mais il n'en reste plus trace aujourd'hui… Abla Chérif - Alger (Le Soir) - C'est ce que la justice appelle «financement occulte de la campagne présidentielle», étape charnière dans la vie d'un clan qui tentait, alors, de tout mettre en œuvre pour prolonger de plusieurs années encore le pouvoir dont ils s'étaient emparés près de vingt ans auparavant. A ce stade, cette même justice n'indique pas la manière dont le processus en question s'est déroulé, mais elle fournit, en revanche, des éléments qui en tracent parfaitement les contours. A travers les communiqués qui sanctionnent régulièrement les affaires anti-corruption en cours, elle nous fait d'abord savoir que pas moins de douze personnes ont été inculpées pour avoir pris part directement ou indirectement à une collecte de fonds menée de manière illégale au profit de l'ancien chef de l'Etat. Sur les douze personnes concernées, huit constituaient ce que l'on appelle l'oligarchie dont la naissance et l'expansion sont étroitement liées à Abdelaziz Bouteflika et sa famille. Mourad Eulmi et ses deux frères (Sovac), Mahieddine Tahkout (KIA) et ses deux frères, Mazouz (N'gaouès), Mohamed Baïri (groupe Ival) et les frères Benhamadi (Condor) sont officiellement poursuivis pour ces faits. Avec d'autres hommes d'affaires dont le traitement des dossiers est en cours au niveau des tribunaux d'Alger, ils étaient chargés de remettre au groupe en charge de la campagne de Bouteflika des montants d'argent que l'on dit avoir été calculés en fonction de leur chiffre d'affaires. Des sources proches du dossier affirment que près de 585 milliards ont été ainsi réunis entre fin janvier et avril et transférés sur un compte spécialement mis en place. Elles indiquent également que la somme astronomique s'est envolée quelque temps avant l'éclatement des évènements dans le pays. Les voitures luxueuses offertes, elles seraient au nombre de quinze, ont, cependant, fait l'objet d'une saisie. L'argent a-t-il été transféré à l'étranger ? Mis dans un lieu supposé être sûr et non encore découvert ? Les éléments du dossier sur le sujet figurent, pour l'heure, dans l'enquête qu'a officiellement ouverte le tribunal d'Alger sur le financement occulte de la campagne pour le cinquième mandat. Les hommes d'affaires cités ne sont pas les seuls concernés. D'autres noms, celui de Ali Haddad, mais aussi des personnes actuellement en fuite sont concernés. Notamment un industriel de l'agroalimentaire qui est présenté comme l'homme redoutant le plus d'affronter les juges dans ce volet. Frappé d'ISTN (interdiction de sortie du territoire national), ce dernier a, dit-on, quitté précipitamment l'Algérie en sentant le vent tourner. Il est considéré comme étant l'un des plus importants pourvoyeurs en fonds pour une campagne sur laquelle il misait gros. A lui seul, nous dit-on, il a alimenté la caisse de campagne à hauteur de 20 milliards, alors que les autres s'étaient arrêtés à quinze milliards. D'autres éléments importants sont actuellement détenus par la justice qui a procédé, tout récemment, à la mise sous mandat de dépôt du chargé des finances du groupe chargé de la campagne de Bouteflika. Avant lui, Abdelmalek Sellal, ancien Premier ministre, a été inculpé et placé sous mandat de dépôt pour participation au financement occulte de cette campagne. Abdelghani Zaâlane, nommé chef de campagne en remplacement de Sellal, pourrait aussi faire l'objet du même chef d'inculpation. Après avoir miraculeusement et bizarrement échappé au mandat de dépôt à plusieurs reprises, ce dernier a été placé en détention provisoire par un magistrat de la Cour suprême dans l'affaire Hamel pour des faits commis durant ses mandats de wali. Les enquêtes concernant des faits qui se sont produits durant sa fonction de ministre se poursuivent, cependant. Le 29 juillet dernier, cet ancien ministre des Travaux publics avait été auditionné dans le dossier « participation au financement occulte de la campagne électorale» en rapport avec l'affaire Mazouz. D'autres noms de ministres pourraient également être ajoutés à la liste. Celui de Amara Benyounès y figure. Longuement auditionné sur le sujet, Ahmed Ouyahia a, cependant, été relaxé dans cette enquête. Une question subsiste, cependant : le parti qu'il dirigeait, le RND, figure-t-il parmi la liste de ces partis accusés d'avoir bénéficié de financements occultes ? Jusqu'ici, les communiqués de justice n'ont encore cité aucun nom de ces mouvements politiques concernés, mais ils indiquent, en revanche, que plusieurs hommes d'affaires sont aujourd'hui poursuivis pour ces faits. A. C.