Il est des citoyens qui ne trouvent, pour gagner leur vie, que la force de leurs bras. C'est le cas des portefaix. S'il est vrai que ce métier est foncièrement éreintant, puisqu'il consiste à porter de lourds fardeaux, toutefois, il rapporte gros si l'on s'en tient aux tarifs affichés. Pas moins de 6 000 dinars pour monter cinq sacs de ciment au quatrième étage d'un immeuble ou d'autres appareils ménagers qu'il faut soigneusement porter jusqu'à l'appartement. Un labeur qui n'excède pas, bon an mal an, une demi-heure de sacrifice. Le client n'a pas le choix et doit payer rubis sur l'ongle la somme exigée car les mêmes prix sont affichés chez toute la corporation. Le mot d'ordre est scrupuleusement respecté par tous et la cotation de leur besogne est toujours maintenue très haute. En matière de négociation des prix, les portefaix de Ouled Yaïch sont durs à cuire. Ils sont loin d'être des enfants de chœur. Leurs offres sont fixes. C'est à prendre ou à laisser, disent-ils fièrement, car ils savent pertinemment que le client ne peut se passer de leur précieuse besogne. Et ils sont nombreux à pratiquer ce métier à Ouled Yaïch, commune mitoyenne de Blida. Certains viennent même de très loin. L'intersection qui rassemble les portefaix, appelée communément «le Stop», est devenue la plaque tournante pour ces derniers et la clientèle va illico sur le lieu de leur rassemblement pour s'offrir leurs services. Impossible de s'y tromper. A la première lueur du matin, on les retrouve debout près d'un café, celui-là même qui est devenu, par la force des choses, le café des portefaix. Ils sont reconnissables à première vue. Adossés par deux contre un mur avec leur sachet où sont entassés des habits de travail, ils scrutent l'horizon en vue de dénicher un éventuel client. Repéré, ils ruent vers lui en se bousculant les uns les autres pour lui proposer leur travail du jour. «C'est moi qui l'ai vu le premier», se disputent-ils entre eux. La priorité est accordée à celui qui arrive le premier. Face au client, ils n'acceptent pas n'importe quel travail. Les conditions sont posées dès l'entame des négociations. Ils refusent de prime abord toute longue tâche. C'est juste décharger un camion de briques ou monter une charge dans un immeuble qu'ils préfèrent. Leur travail terminé, ils reviennent presque en courant au point de rassemblement. Avec leur force herculéenne, ils sont capables de refaire la même besogne plusieurs fois par jour et gagner le maximum d'argent possible. Mais ce n'est pas toujours évident. Il est des fois où l'on retourne bredouille à la maison sans un sou dans la poche. Loin de désarmer, ils savent que demain est un autre jour et gardent inlassablement l'espoir de dénicher un client ou deux. Certains portefaix ont une clientèle à longueur d'année. D'autres travaillent avec les transporteurs qui les recommandent à leurs clients. Si ces derniers sont d'accord, ils sont appelés via leurs téléphones pour les rejoindre à une adresse convenue. En général, les portefaix ne chôment pas sauf durant les jours de pluie où l'activité est un peu au ralenti. Avec le chômage en croissance, eux, par contre, trouvent leurs comptes et assurent leur gagne-pain à longueur d'année même si leurs prestations sont redoutées des uns et des autres en raison de la cherté de leurs honoraires. Néanmoins, leurs services sont plus qu'indispensables ce qui oblige les citoyens à accepter le prix de la prestation sans trop rechigner. M. B.