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Un business sur son 31 à Oran
REPORTAGE : Prostitution
Publié dans Le Temps d'Algérie le 31 - 07 - 2010

Ces femmes qu'on appelle «filles de joie» se font appeler Zouzou, Pamela, Sirena, Paulette et Haloum, des noms de guerre qui leur permettent de monter au front sans aucun pincement au cœur.
Ces paravents ténus ne sont qu'un voile, des sobriquets, qui leur permettent de garder un semblant d'anonymat dans un monde où tout se sait, puisqu'on les taxe toutes de «Madame tout le monde», prêtes à se livrer au plus offrant.
Et dans ces enchères de la chair, elles sont les perdantes, des loosers, contraintes chaque jour à jouer à la roulette russe, en se gavant de psychotropes, d'alcool et de drogue. «Cela me permet d'oublier ma condition de femme-objet et de femme soumise aux caprices de mon souteneur», affirme Haloum, une femme venue d'une contrée lointaine, coincée entre Sig et Mascara, un petit lieu qu'elle a fui alors qu'elle était encore jeune, quand le fruit d'une relation incestueuse, forcée, a commencé à enfler dans ses entrailles.
Aujourd'hui entre deux clients, elle quitte la chambre qu'elle a louée dans un hôtel miteux du bas Oran, pour aller quérir, dans un bouiboui ou un bar de seconde zone, un troisième puis un quatrième puis… jusqu'à n'en plus pouvoir.
Son travail, elle l'abat comme un forçat pour pouvoir payer sa chambre, assurer sa pitance et donner le gros du pactole à son souteneur. «Il me prend l'essentiel de ce que je gagne, mais il assure ma sécurité dans un milieu où tout se paye cash et où la loi est toujours au plus fort», dira-t-elle.
Rencontrée sur un banc de la place d'Armes, le visage buriné par des années de misère et un œil au beurre noir qu'elle traîne depuis une bagarre qui l'avait opposée à une concurrente, elle n'a pas voulu se confier et raconter ses misères. «Je ne parle qu'aux potentiels clients. Si vous êtes intéressé besmellah, sinon, mon temps est précieux», dira-t-elle durement avant de changer de ton. Le regard perdu dans le vague.
Elle pestera contre les occasionnelles qui investissent le marché de la chair fraîche. Elles ne savent rien au métier, mais fraîches, le visage bariolé et court vêtues, elles ont les faveurs de la clientèle, malgré les prix exorbitants qu'elles pratiquent. «Vous, vous passerez une nuit avec une jeune fille, tout juste sortie de l'adolescence pour 15 000 dinars ? C'est de la folie, si j'étais un homme je n'accepterais jamais cela».
Sa guerre, elle la mène contre ces jeunes filles qui ont fugué ou ces étudiantes qui écument les salons de thé et autres discothèques de la corniche oranaise. «Vous savez quand elles rentrent dans un cabaret, elles sont pimpantes et font grimper au maximum les prix, mais au fil du temps, et à mesure que la clientèle commence à quitter les lieux, elles se retrouvent à brader leurs corps, à quémander un lit pour passer ce qui reste de la nuit. Elles sont comme ça, elles ne savent rien au métier», dira Haloum.
Les bars de la ville, un autre terrain de chasse
Affalée sur son banc, ses yeux suivaient les passants dont elle tentait d'accrocher le regard avant de se fendre d'un sourire qui montre des dents rongées par le tabac et l'alcool. «Vous avez, le samedi et le dimanche chez nous à la rue de l'Aqueduc, c'est le travail à la chaîne. Les Chinois qui ont quartier libre se ruent dans la maisonnette chancelante et classée depuis des lustres vieux bâti. Ses murs risquent un jour de s'affaler sur nos têtes», dira-t-elle avant d'expliquer que ses « incursions» à la place d'Armes sont nécessaires les autres jours de semaine pour tenter de lever un ou deux clients quand ses habitués ne la relancent pas.
Devenue loquace, elle nous expliquera que certaines filles «chassent» du côté du Café riche en plein centre-ville. «Quand elles accrochent un client et si elles n'ont pas où l'amener, elles s'engouffrent dans la première entrée d'immeuble de la rue Charlemagne pour régler cela en deux temps trois mouvements.
Les habitants et les commerçants de cette rue se sont plaints à la police qui fait de temps à autre des descentes sur les lieux», dira-t-elle. A mesure que le temps passait, Haloum devenait nerveuse, «c'est la dèche aujourd'hui et je crois que je suis obligée d'aller faire ma traque dans un bar du centre-ville.
Il existe encore quelques établissements qui acceptent volontiers notre présence même si nous ne sommes pas considérées comme des entraîneuses qui poussent la clientèle à consommer. Généralement, nous entamons la soirée dans un bar du centre-ville avant de nous faire inviter à une discothèque de la corniche. Mais quand nous n'arrivons pas à trouver le client fortuné capable de nous assurer une belle soirée, nous nous rendons à deux, voire trois, dans un des nombreux cabarets de la Corniche pour partir en chasse.
Généralement, nous nous rendons en taxi, ce sont pour nous des chauffeurs qui sont parfois des rabatteurs et quand ils nous proposent des clients, généralement des gens de passage à Oran, on leur octroie une commission», dira-t-elle. Les filles qui officient à la Corniche sont des magasins ambulants. Outre les préservatifs qu'elles proposent aux clients, elles se font un réel plaisir à proposer du Viagra pour retaper une virilité défaillante après une cuvée trop poussée ou des comprimés psychotropes pour trouver très vite le septième ciel.
Les occasionnelles,ces empêcheuses de tourner en rond
Haloum qui se considère comme une prostituée respectueuse de la morale et de la loi, a une dent contre celles qu'elle désigne sous le vocable des «occasionnelles».
«Ce sont des filles que rien ne peut trahir. Elles sont étudiantes venues généralement de l'intérieur du pays, des femmes au foyer sans le sou, des ouvrières qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts ou qui gonflent leurs gains pour se permettre de vêtements et des parfums made-in. Généralement, elles opèrent dans des maisons de rendez-vous, appelées «merkez» ou «mrakez» (au pluriel) à Oran et dans la région ouest.
Ces femmes travaillent généralement en réseaux organisés autour de hammams, de salons de coiffure qu'elles utilisent pour se rencontrer, se refiler des rendez-vous pour de potentiels clients», dira Haloum en enveloppant ses propos d'un chapelet d'injures, capables d'écorcher les oreilles chastes, à l'encontre de ces femmes. Vous ne pouvez pas les différencier des autres quand elles sont dans la rue. Généralement, elles s'enveloppent dans d'amples djellabas pour aller à la rencontre du client.
Dans certains salons de thé et bars de la ville, elles se font remarquer surtout par leur sobriété. Quand vous les invitez à partager une bière avec vous, elles déclinent gentiment l'invitation tout en vous proposant de s'attabler avec vous et leur refiler l'équivalent de la bouteille de «bibine», à chaque tournée commandée.
«Tpijen (elles pigeonnent ou déplument) les clients, en leur proposant de les suivre dans la maison où elles officient ou dans n'importe quel hôtel miteux d'Oran», dira Haloum qui ne manquera de les charger de tous les maux du monde. «Vous savez, le client risque facilement avec elles de choper une MST ou le sida», car elles ne prennent aucune précaution».
«Vous savez, les maisons de rendez-vous, il en existe plusieurs dans la ville. Il en existe pratiquement dans chaque quartier. Allez poser la question aux agences immobilières et on vous dira que si par le passé les appartements du rez-de-chaussée étaient recherchés par les médecins, les avocats et ceux qui pratiquent des professions libérales, aujourd'hui ils attirent des matrones qui les utilisent pour faire exercer à des filles consentantes le plus vieux métier du monde.
Plusieurs cités comptent des garçonnières et ce genre d'établissements dont les adresses s'échangent entre habitués. La police démantèle à tours de bras des réseaux mais d'autres prennent leurs places. C'est un business qui évolue dans l'ombre, qui a ses codes, sa morale, et ses lois», dira Haloum.
Il y a quelques années, la police avait fait une descente dans un hôtel situé sur les hauteurs du centre-ville. Un réseau de prostitution y a été démantelé et plusieurs individus furent écroués. Mais c'est un milieu secret qu'il est difficile de cerner par les temps qui courent. «La prostitution qui était confinée dans les maisons de tolérance, durant les deux premières décennies qui avaient suivi l'Indépendance, a occupé tous les espaces après la fermeture de ces établissements.
Clandestine d'apparence, elle est présente partout au point où dans certaines villes, des quartiers sont devenus des endroits où la chair se vend au plus offrant», dira S. Mehdi, un enseignant en sociologie à l'université d'Oran.
Il ne manquera pas de souligner que la fermeture des maisons closes a jeté des cohortes de femmes dans la clandestinité devenant ainsi un potentiel danger pour les bonnes mœurs et la santé publique. «Jadis les pensionnaires des maisons closes étaient suivies par des médecins, mais aujourd'hui, notamment avec le sida, quelle est cette femme qui ira subir le test anti Vih», ajoutera cet universitaire.
Et alors que Haloum quittait son banc sans avoir levé le moindre client, Paulette qui nous a rejoints dans un bar du centre-ville nous proposera une virée du côté de Canastel. «Vous verrez, là-bas la prostitution n'a pas d'âge, les vieilles côtoient les jeunes premières. Il y en a pour tous les goûts et pour toutes les bourses.
Il suffit d'aller faire un tour du côté des cabarets où on continue de passer du bon temps sous les airs de la gasbah pour retrouver une belle panoplie de femmes», dira-t-elle.
En fermant les maisons closes, nous n'avons fait que jeter la prostitution dans la rue. Le phénomène qui ne s'affiche plus sous des enseignes rutilantes est devenu sournois, et son danger, aidé par la clandestinité, guette la société,
aussi bien celle des hommes que celle des femmes. Nos pensées vont vers Zouzou, Pamela, Sirena, Paulette et Haloum, ces guerrières de la chair qui ne font pas ce métier par plaisir, mais qui sont comme les lucioles à la recherche d'une lumière qui finit toujours par leur brûler les ailes pour les jeter dans la déchéance et les précipiter vers la mort.


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