La "déclaration constitutionnelle" signée samedi au Soudan et l'accord politique arraché ainsi entre l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC) et le Conseil militaire de transition (CMT) engagent le pays concrètement dans la période de transition vers un pouvoir civil, une victoire saluée par la communauté internationale. La cérémonie de signature, qui a eu lieu dans la capitale en présence de nombreux dignitaires étrangers, a constitué le plus grand événement du genre à être organisé depuis des années, tranchant avec les années d'isolement du Soudan. Samedi, des foules en liesse ont rempli les rues de Khartoum après la signature de cet accord. Après huit mois de manifestations au cours desquelles plus de 250 personnes ont été tuées, selon un comité de médecins proche de la contestation, des milliers de Soudanais ont ainsi célébré l'accord tard samedi à Khartoum. Les nouvelles autorités soudanaises se donnent pour tâche prioritaire de rétablir la paix dans un pays déchiré par de nombreux conflits ayant fait des centaines de milliers de morts, du Darfour (ouest) au Kordofan-Sud en passant par le Nil-Bleu (Sud). L'autre dossier important qui attend les nouveaux gouvernants est le redressement d'une économie en perdition depuis plusieurs années. Des élections auront lieu à l'issue de la période de transition.
L'accord proclame une série de droits et libertés pour les citoyens L'accord proclame une série de droits et libertés pour les citoyens, qui devront à l'avenir être protégés de toute arrestation arbitraire. La liberté de religion et la liberté d'expression doivent être garanties, selon ce texte. Chaque citoyen aura le droit d'accéder à l'information et de la diffuser. L'accès à internet devient ainsi un droit, à condition de ne pas menacer l'ordre public ou la sécurité. Le droit de manifester, de se syndiquer, de rejoindre ou de créer un parti politique doit également être garanti à l'avenir au Soudan. Le texte rassemble à la fois des engagements politiques pris le 17 juillet et un compromis trouvé le 4 août sur l'organisation constitutionnelle. La composition du Conseil souverain devait être révélée dimanche. Il s'agit d'une autorité de transition de 11 membres, dont six civils et cinq militaires qui doit prendre la place des généraux, aux commandes depuis la destitution de Béchir en avril. Cette instance aura la tâche de gérer une période de transition de 39 mois ainsi que de superviser la mise en place et le travail d'un gouvernement de transition. Le Premier ministre déjà choisi par la contestation, l'économiste Abdallah Hamdok, doit être confirmé mardi par le conseil souverain. Les noms des ministres --pas plus de 20-- seront eux connus le 28 août. Le Conseil souverain, à majorité civile, sera d'abord dirigé pendant 21 mois par un général, puis par un civil pendant les 18 mois restants. Le chef du gouvernement désignera ensuite les ministres parmi les candidats présentés par l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC, fer de lance de la contestation) à l'exception des ministres de l'Intérieur et de la Défense, qui seront désignés par les militaires. La première réunion entre le Conseil souverain et le gouvernement est programmée le 1er septembre. Une assemblée de 300 membres maximum, dont 40% de femmes, doit également être constituée dans les trois mois suivant la signature de l'accord. Au total, 67% des sièges doivent aller à l'ALC, et le reste à d'autres partis, à condition qu'ils ne soient liés en rien à l'ancien président Béchir. Les militaires ainsi que les Forces de soutien rapide (RSF), puissante organisation paramilitaire accusée d'avoir réprimé dans le sang une manifestation le 3 juin, sont placés sous le commandement du chef de l'armée. L'agence de renseignement, sous son nouveau nom de "Services de renseignements généraux", sera placée sous la houlette du gouvernement et du Conseil souverain.
La communauté internationale salue la signature de la "déclaration constitutionnelle" De nombreux pays ont salué la signature de l'accord, considéré comme le point de départ d'un "nouveau Soudan", après les 30 ans de pouvoir d'Omar el-Béchir, détenu depuis sa destitution en avril par l'armée sous la pression de manifestations massives. Omar el-Béchir, qui fait l'objet de mandats d'arrêt internationaux émis par la Cour pénale internationale pour "génocide", "crimes contre l'humanité" et "crimes de guerre" au Darfour (ouest), doit être jugé au Soudan pour corruption. Mais la date de son procès est indéterminée. "Cet accord répond aux demandes du peuple soudanais, qui a appelé sans relâche au changement et à un avenir meilleur", a écrit le secrétaire d'Etat britannique pour l'Afrique, Andrew Stephenson. Sur Twitter, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a promis que Washington soutiendrait l'établissement "d'un gouvernement qui protège les droits de tous les Soudanais et mène vers des élections libres et équitables".
La Ligue arabe salue la signature de l'accord La Ligue arabe a félicité le peuple soudanais pour la signature d'un accord de partage du pouvoir entre le conseil militaire de transition au pouvoir et l'opposition pour une période de transition de trois ans, a déclaré dimanche dans un communiqué la Ligue. La déclaration sur la Constitution a été formellement signé samedi entre le bloc d'opposition Alliance pour la liberté et le changement (ALC) et le Conseil militaire de transition (CMT) au pouvoir, créant un conseil conjoint militaro-civil qui gérera temporairement le pays et préparera la voie pour les élections. "Le secrétaire général de la Ligue arabe Ahmed Aboul-Gheit se rendra bientôt à Khartoum en raison du rôle que la Ligue compte jouer dans la période à venir afin de soutenir la stabilité et le développement au Soudan", selon le communiqué de la Ligue arabe. Le document ajoute que la Ligue soutiendra le Soudan dans toutes les démarches qui contribueront au bon déroulement de sa période de transition. Une délégation de la Ligue arabe a assisté à la cérémonie de signature dans la capitale soudanaise Khartoum et a signé l'accord en tant que témoin. Des dizaines de milliers de Soudanais sont descendus samedi dans les rues de la capitale afin de fêter la signature de l'accord de transition.
L'ex-président Omar-al-Bachir devant la justice Le président soudanais destitué Omar al-Bachir est arrivé lundi devant un tribunal de Khartoum, où il doit être jugé pour "corruption", rapportent des médias. L'ex chef de l'Etat, destitué par l'armée le 11 avril en réponse à des manifestations massives, est arrivé en matinée, escorté par un imposant convoi militaire, selon la même source. Son procès devait s'ouvrir samedi, mais il avait été reporté sine die. Omar al-Bachir, 75 ans, détenu dans une prison de Khartoum, a été informé par le parquet qu'il faisait face à des accusations de "possession de devises étrangères, de corruption" et pour avoir "reçu des cadeaux illégalement". Fin avril, le chef du Conseil militaire de transition, le général Abdel Fattah al-Burhane, avait affirmé que l'équivalent de plus de 113 millions de dollars avaient été saisis en liquide dans la résidence de l'ex-président à Khartoum. Il avait indiqué que des membres de la police, de l'armée et des agents de sécurité avaient trouvé sept millions d'euros, 350.000 dollars et cinq milliards de livres soudanaises (93 millions d'euros) lors de cette fouille. En mai, le procureur général a également déclaré que l'ex-président avait été inculpé pour des meurtres commis lors des manifestations qui ont finalement conduit à son éviction, sans que l'on sache quand il devra répondre de cette accusation. Les protestations contre Omar al-Bachir ont éclaté le 19 décembre après que son gouvernement a triplé le prix du pain, et ont rapidement pris une tournure politique. Elles se sont poursuivies après la chute de l'ancien chef de l'Etat le 11 avril, afin d'obtenir un transfert du pouvoir aux civils, et ont fini par aboutir à un accord signé samedi entre les militaires au pouvoir et la contestation.