A une semaine de l'ouverture du procès très attendu du groupe des détenus de Blida, les armes commencent à s'affûter des deux côtés. Celui des avocats de la défense et des célèbres prisonniers pressés, dit-on, de pouvoir s'expliquer publiquement sur les faits qui leur sont reprochés, mais aussi celui de la partie adverse que l'on dit aussi en possession d'éléments matériels prouvant l'inculpation des mis en cause. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Ces éléments ont été récoltés au cours d'une enquête qui aura donc duré près de cinq mois pleins. Elle se base sur certains enregistrements, son et image, jugés compromettants, des témoignages, ceux de quelques employés et cadres de la présidence de la République ayant servi durant l'époque de Bouteflika, de déclarations de chauffeurs des détenus et des propos tenus par les deux personnalités convoquées et auditionnées dans le cadre de cette enquête. Il s'agit de l'ancien président du Conseil constitutionnel Tayeb Belaïz et de l'ex-ministre de la Défense Khaled Nezzar. Jusqu'à l'heure, aucune information sérieuse n'a fuité au sujet de la nature des questions posées à Belaïz et des réponses apportées par celui-ci au juge d'instruction qui l'interrogeait, mais l'on sait en revanche que Khaled Nezzar a été, lui, interrogé sur la base de ses déclarations faites dans un écrit public très compromettant à l'égard du frère conseiller de l'ancien président de la République. Selon le général major à la retraite, Saïd Bouteflika projetait d'instaurer l'état de siège ou l'état d'exception pour mater la révolution du 22 février et tentait de trouver le moyen de démettre l'actuel chef d'état-major de ses fonctions. Depuis, le dossier Nezzar, son fils, Lotfi Nezzar, et une tierce personne servant d'intermédiaire avec Saïd Bouteflika font l'objet d'un mandat d'arrêt international. Depuis la date de son émission par la justice militaire de Blida, ce mandat ne semble pas avoir trouvé écho auprès des autorités du pays (l'Espagne) où se trouvent réfugiés les concernés. Les avocats constitués dans ce dossier évoquent une procédure longue et délicate compte tenu de la législation prévalant dans ce pays, une législation hostile à toute extradition si le mis en cause est passible de la peine de mort. Le tribunal militaire de Blida n'a cependant pas attendu que du nouveau intervienne dans cette affaire pour clore définitivement le dossier. Il l'a fait il y a une dizaine de jours après un récapitulatif complet de toute l'instruction menée depuis mi-mai dernier. Tous les prévenus, les généraux Toufik, Tartag, Saïd Bouteflika et même Louisa Hanoune ont comparu une dernière fois devant le magistrat instructeur et un point final a été mis aux déclarations des uns et des autres. Saïd Bouteflika a été tout particulièrement interrogé au sujet des graves déclarations faites par Khaled Nezzar. Selon les informations en notre possession, ce dernier n'a pas nié avoir pris contact avec l'ancien ministre de la Défense durant les évènements découlant du 22 février, mais aurait nié certaines affirmations du général à la retraite. La défense fait savoir que le «travail entrepris durant l'instruction a été correctement mené». «Nous avons été informés jeudi matin que la date du procès avait été fixée au 23 septembre prochain, le travail qui a été fait par les magistrats n'a pas été expédié, baclé ou fait à la légère, soutient Me Ksentini avocat du général Toufik. Ils ont fait le tour de la question, les prévenus ont été interrogés, et il y a eu en dernier lieu le récapitulatif.» «Le problème que je pose concerne le fond, car ce dernier est inconsistant, on ne saisit pas réellement la matière. Ces personnes affirment qu'elles se sont réunies avec le conseiller du président de la République pour s'entendre sur le nom d'une personne pouvant assurer une transition ou une candidature et rien d'autre. Aucune partie étrangère n'était présente lors de cette réunion. Ce sont tous des Algériens. Cette affaire reste cependant une question d'interprétation (…) le général Toufik dont j'assure la défense attend la possibilité de pouvoir s'exprimer devant le juge (…) il n'était pas en activité à ce moment-là, il a été invité en tant qu'autorité morale pour ses connaissances du terrain et des hommes, ils voulaient avoir son avis (…)». La défense se prépare toutefois à plaider la carte de l'incompétence du tribunal militaire. «C'est une question d'ordre public, estime Me Ksentini, car aucun des prévenus n'est militaire, les généraux Toufik et Tartag étaient à la retraite au moment de leur arrestation». C'est aussi l'avis de Me Miloud Brahimi qui se prépare à plaider l'incompétence de la juridiction militaire et le transfert de l'affaire devant un tribunal civil. Me Brahimi fait également état d'un «fond vide». Les généraux Toufik, Tartag et Saïd Bouteflika ont été arrêtés et incarcérés sur la base de charges lourdes «complot et atteinte contre l'autorité militaire en temps de paix» et encourent, de ce fait, des peines sévères pouvant aller jusqu'à la condamnation à mort. Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT) a été elle aussi emprisonnée sur la base des mêmes accusations. Son arrestation a soulevé une vague d'indignations au niveau de larges pans de la société et de la classe politique algérienne. Au niveau international de nombreuses voix se sont exprimées pour exiger la libération «d'une femme politique condamnée pour des activités politiques». Il faut savoir que des rumeurs persistantes laissent entendre que le procès en question sera filmé et que des séquences seront projetées au grand public. A. C.