Eu égard aux données politiques, économiques et sociales, la préparation de la loi de finances 2020 est partie pour constituer un exercice d'une extrême délicatesse pour l'exécutif en charge des affaires du pays qui, nonobstant son déficit en légitimité populaire, doit faire face à des contraintes aussi bien endogènes qu'exogènes qui ne lui laissent qu'une très relative marge de manœuvre. D'ailleurs, cela ressort nettement de la lecture de la nouvelle mouture examinée, mercredi dernier, en Conseil de gouvernement. Choix clairement destiné à gagner les faveurs du citoyen en cette conjoncture pas très favorable aux pouvoirs publics, la contrainte du maintien de la politique sociale de l'Etat a un prix que les pouvoirs publics semblent avoir mesuré au travers de la deuxième lecture du projet de loi de finances, adopté mercredi, qui repose sur de «nouvelles dispositions visant à booster l'investissement et encourager la création d'entreprises, notamment des jeunes outre le recouvrement des droits de l'Etat», argue le gouvernement qui entend y parvenir en instaurant une rigueur budgétaire, d'une part, en «consacrant la rationalisation et l'assainissement des ressources financières» et, d'autre part, travailler à atteindre une croissance économique de 1,8% de telle sorte à, entre autres, éviter les pertes d'emploi. Selon le document adopté mercredi, au titre des dépenses, il est prévu 7 773 milliards de dinars, dont 4 893 milliards de dinars consacrés au budget de fonctionnement. Au travers de la première mouture, présentée il y a deux semaines, le gouvernement avait prévu une réduction des dépenses publiques de 9,2% alors que les recettes, en raison d'une réduction de la fiscalité pétrolière principalement, se contracteront de 8,3% par rapport à 2019. Dans cette deuxième mouture, l'exécutif a voulu donner des assurances sur ce qu'il appelle «les dépenses incompressibles», les salaires, les charges de la sécurité sociale et celles destinées au fonctionnement des structures publiques et les subventions. Globalement donc, si 4 893 milliards de dinars seront orientés vers le budget de fonctionnement, celui destiné à l'équipement sera de l'ordre de 2 880 milliards de dinars. Quant aux recettes prévues pour 2020, elles devraient s'élever à 6239,7 milliards de dinars, soit en baisse de 7,72% par rapport à la clôture de l'exercice 2019, selon les comptes du gouvernement qui prévoit, donc, un déficit budgétaire de 1 533,4 milliards de dinars, soit 7,2% du produit intérieur brut (PIB). Dans le détail des recettes attendues, les prévisions font ressortir des recettes fiscales ordinaires en augmentation de 8,6%, soit un peu plus de 3 000 milliards de dinars au moment où la fiscalité pétrolière devrait se rétracter pour dépasser à peine les 2.200 milliards de dinars alors qu'elles devraient être de 2 714,5 milliards de dinars au bout de cette année. Les pouvoirs publics devraient assurer l'augmentation des recettes fiscales ordinaires, estimée à 8,6% en puisant à partir de nouvelles sources, dont l'augmentation du taux de TVA et l'instauration de nouvelles taxes, au risque d'ajouter à l'impopularité de Bedoui et de son équipe. Ainsi, les caisses de l'Etat devraient engranger plus de 40 milliards de dinars grâce à la TVA alors que «la contribution de solidarité», taxe incluse pour toute opération d'importation depuis deux ans, sera portée à 2% pour aider à sortir du trou la Caisse nationale de retraite (CNR). Ceci entre autres subterfuges fiscaux attendus pour 2020, tout indiqués pour susciter le courroux, comme ce sera le cas chez les professionnels de l'électroménager qui verront la taxe d'efficacité énergétique passer jusqu'à 30% pour les produits made in Algérie et jusqu'à 40% pour tout produit importé. En parallèle à ces trouvailles techniques sur le plan fiscal, les pouvoirs publics proposent, dans le cadre des mesures encourageant les porteurs de projets de start-up déjà annoncées dans la première mouture, la création de quatre types de zones industrielles à travers le territoire national destinées, entre autres, à devenir des incubateurs pour start-ups et autres investissements dans le domaine : des zones économiques pour le développement des régions frontalières au Sud, des zones économiques pour le développement des hautes technologies, des zones pour le développement du commerce logistique et des services, et des zones industrielles intégrées. Pour un gouvernement mis sous pression de partout, il va sans dire, si jamais il va jusqu'au bout du mandat qui lui a été confié contre vents et marées, la l oi de finances 2020 risque de lui valoir un plus d'inimitié dont il n'a vraiment pas besoin, surtout que du point de vue gestion économique, les doutes des spécialistes les plus avertis ne font que s'épaissir. Azedine Maktour