Un jour tu comprendras de Meriem Guemache est la première biographie romancée de Fadhma Aïth Mansour Amrouche. «Il y a environ 10% de fiction» dans le nouvel ouvrage paru chez Casbah Editions, nous a confié l'auteure. «Un jour tu comprendras» est ce que répondait toujours Aïni à sa fille Fadhma quand elle lui demandait pourquoi les enfants et les gens du village se comportent mal avec elle et la traitent de «bâtarde», de «fille de h'ram» ou de «fille de dévergondée». «La vie de Fadhma Aïth Mansour Amrouche a été un long chemin de tourments. Les conditions dans lesquelles elle a vu le jour, en 1882, dans une société aux mœurs sévères, l'ont livrée très tôt à l'impitoyable régime des orphelinats et des pensionnats chrétiens de Kabylie. Sa vie durant, elle a dû déployer des prodiges de résilience et de ténacité pour faire face à une succession incroyable de péripéties éprouvantes», écrit Meriem Guemache dans l'avant-propos de son livre. La première épreuve, elle l'a rencontrée le jour où elle est née : Kaci, son père biologique, a toujours nié être l'auteur de ses jours. Après une enfance loin d'être gâtée, elle va aussi connaître la misère, l'exil et les deuils successifs. La mort lui a ainsi arraché cinq de ses fils. Toutes ces épreuves lui ont inspiré une poésie si bouleversante. Fadhma Aïth Mansour Amrouche a vécu dans deux univers culturels très différents. Mais, elle a toujours porté au cœur sa Kabylie natale et sa culture. De sa mère Aïni, elle a hérité un trésor de proverbes, berceuses, contes et chants kabyles, qu'elle a, à son tour, transmis à ses enfants Marguerite Taos et Jean El-Mouhoub. En 1946, alors qu'elle vivait avec son mari Belkacem Antoine, en exil à Radès en Tunisie, elle décida d'écrire son autobiographie, encouragée par Jean El-Mouhoub. Elle raconta tout dans son récit. Mais son mari s'opposa de son vivant à sa publication. Ce n'est qu'en 1967 qu'elle apprend que sa biographie sera publiée aux Editions Maspero sous le titre de «Histoire de ma vie». Fadhma Aïth Mansour Amrouche vivait, alors, ses ultimes instants à l'hôpital de Saint- Brice-en-Coglès, dans la région de Bretagne, en France. Décédée le 9 juillet 1967, elle sera enterrée dans le cimetière de la commune bretonne de Baillé. Histoire de ma vie sera publié à titre posthume en 1968 par François Maspero. Le livre est préfacé par Vincent Monteil et Kateb Yacine. «En signant cette introduction, j'ai tenu à être présent au grand événement que constitue pour nous la parution d'un tel livre. Il s'agit d'un défi aux bouches cousues : c'est la première fois qu'une femme d'Algérie ose écrire ce qu'elle a vécu, sans fausse pudeur et sans détour. Du plus profond de sa tombe d'exil, en terre bretonne, Fadhma semble nous dire ‘‘Algériennes, Algériens, témoignez par vous-mêmes ! N'acceptez plus d'être des objets, prenez vous-mêmes la plume, avant qu'on se saisisse de votre propre drame pour le tourner contre vous''», écrit Kateb Yacine dans sa préface. Le livre de Meriem Guemache est un hommage à Fadhma Aïth Mansour Amrouche et «à la femme courageuse qu'elle a été sa vie durant». Il est aussi un hommage «à l'écrivaine et poétesse kabyle dont le message, empli de leçons de sagesse et d'enseignements puisées dans le patrimoine culturel ancestral, mérite d'être sauvegardé». Journaliste à la radio et dans la presse écrite, Meriem Guemache est déjà l'auteure de trois livres pour enfants et du recueil de nouvelles La Demoiselle du métro, paru en 2018. Kader B.