L'ouvrage Histoire de ma vie de Fadhma Aïth Mansour Amrouche ou l'histoire d'une sans-papier singulière se veut, comme le dit l'auteure Aïcha Bouabaci dans son avant-propos, une "étude-hommage", un travail qui date de septembre 2003 et qui vient de paraître, au grand bonheur de ceux qui voudront en savoir plus sur le sujet traité. C'est une "recherche académique" qui revisite Histoire de ma vie de Fadhma Aïth Mansour Amrouche à travers "l'analyse très rapprochée de son œuvre par des approches anthropologique, historique, ethnologique…" En somme, une lecture assez particulière née de cette nécessité qu'éprouvait Aïcha Bouabaci à "exprimer une émotion particulière à l'égard d'une femme particulière". Dans la préface du petit-fils, Pierre Amrouche – qui rejoint notre auteure sur beaucoup de vérités révélées —, on retrouve quelques souvenirs de cette enfance marquée par "la forte personnalité" de sa grand-mère Fadhma-Marguerite qui, bien qu'ayant vécu de rudes épreuves, a su s'adapter à ses exils. "Sa seule patrie, écrira-t-il, sera celle de l'esprit où la poésie tenait la première place. Poésie française acquise à l'école et dans ses lectures, et poésie kabyle dont elle était dépositaire par sa mère Aïni, et créatrice par la seule puissance de sa culture et de son talent." Une culture, un talent et un parcours sur lesquels reviendra notre auteure tout au long de cet ouvrage de plus de 200 pages, composé de quatre chapitres : Une histoire de papiers ; Un cheminement hors de son soi ; Un si long exil, entre rêves et réalités et Ou de l'étrangeté des êtres. Le retour à cette œuvre s'est imposé à elle comme une évidence, au vu des similitudes qu'elle y voit avec l'actualité des exilés, des sans-papiers et des harragas qui font l'actualité des médias du monde entier. "Assimiler Fadhma Aïth Mansour Amrouche à une sans-papiers peut sans doute surprendre, elle dont le nom et celui de ses enfants, Jean et Marie-Louise-Taos, créateurs intègres, profonds et attachants, sont connus à travers le monde entier. Mais peut-on oublier justement qu'elle est venue au monde par effraction ?", lit-on à la page 37, évoquant ainsi "une identité confisquée : au nom du père". En rappelant quelques autres de ses lectures, mais en prenant surtout appui et source de Histoire de ma vie, avec tous les détails y afférents, Aïcha Bouabaci relance le débat sur les notions d'étrangeté, d'errance, de quête de l'identité, de recherche de soi… et reformule des questionnements et des tourments qui reviennent sur la scène nationale et internationale. L'ouvrage est enrichi de photos en annexe et d'une postface qui rappelle des hommages rendus à Fadhma par la ville de Baillé et l'association des Berbères de France. Et dans cet é(cri)t-hommage, il sera question de cette douleur causée par l'exil et de ces blessures qui ne cicatriseront jamais, mais desquelles jailliront des textes cultes et une poésie poignante nés d'une "muse matriarcale" qui dira dans sa douleur "Je suis comme l'aigle blessé/ L'aigle blessé entre les ailes/Tous ses enfants se sont envolés/Et lui ne cesse de pleurer/Pitié ô Maître des vents/Venez en aide à ceux qui souffrent…" Samira Bendris-Oulebsir Histoire de ma vie de Fadhma Aït Mansour Amrouche ou l'histoire d'une sans-papier singulière de Aïcha Bouabaci, éditions Tira, avril 2018, 500 DA.