L'histoire de Fadhma Amrouche vue par Aïcha Bouabaci Cet intéressant essai «histoire de ma vie de Fadhma Aïth Mansour Amrouche où l'histoire d'une sans-papiers singulière» de Aïcha Bouabaci paru aux éditions Tira et préfacé par le petit-fils Pierre Amrouche offre un récit synoptique sur cette famille ayant comme viatique l'exil. Fadhma Aïth Mansour, fille illégitime de Aïni raconte son calvaire dû à cette naissance hors norme dans un contexte colonial. Son enfance à Taourit-Moussa, son adolescence à Taddart-Ou Fella et sa vie de femme à Ighil- Ali en Kabylie puis en Tunisie et en France est une succession de drames, de bouleversements, de dénuement et de désespérance. «Je ne me sens chez moi nulle part», dit- elle. Cette phrase est comme une antienne dans cet essai traduisant ce sentiment de ballottement entre divers lieux, cultures, langues et religion. Ces aller-retour multiples entre la kabylie et la Tunisie l'épuise, ébranle ses espérances et fragilisent ses certitudes. l'exil Aussi pour oublier ses peines et tourments, Fadhma chante des berceuses à ses enfants et leur raconte des contes ancestraux de leur atavique contrée la kabylie. Suite à son mariage avec Belkacem le converti, elle aura cinq garçons et une fille dont elle transmettra sa verve poétique. Jean El Mouhoub deviendra poète et journaliste et Marie-Louise Taos sera écrivaine. Cet exil qui lui colle à la peau comme une seconde nature en tous lieux a permis à l'auteure de faire un parallèle avec ces sans-papiers issus des divers conflits politiques et de problèmes économiques dans certains pays. Ainsi, née sans père, sans papiers, exilée maintes fois, elle a les mêmes ressentis de déréliction, de désespoir que ces hordes de harragas. L'étude de Aïcha Bouabaci renvoie à une réalité passée qui se renouvelle avec «ces réfugiés» des temps modernes. Tout au long de cet ouvrage, l'auteure montre Fadhma viscéralement attachée à sa terre, sa kabylie natale qu'elle n'oubliera jamais et qui sera présente dans son cœur, reflétée par sa poésie. Cet essai à forte tonalité pathétique rappelle que l'exil est un mal qui ronge. Quelque soit l'exil, on ne se sent pas chez soi. Une vie mouvementée Et cette tangible réalité témoigne de ce mal-être, ce spleen si cher à Verlaine que tout exilé ressent. A travers divers chapitres, notamment «Une histoire de papiers», «Cheminement hors son soi», «un si long exil, entre rêves et réalités», «Ou de l'étrangeté des êtres», Aïcha Bouabaci a montré avec moult détails la trajectoire mouvementée et tragique de cette femme-courage qui a bravé des difficultés et obstacles en gardant son amour et son attachement pour son pays et pour sa région la kabylie, source de son inspiration et de sa bravoure. A lire pour mieux appréhender cette saga familiale hors des sentiers battus qui, malgré l'adversité a su trouver ses marques.