De Tunis, Mohamed Kattou Un communiqué laconique du chef du gouvernement, Youcef Chahed, a fait état, mardi, du limogeage des ministres des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui, et de la Défense nationale, Abdelkrim Zbidi. Le communiqué soulignait que cela a eu lieu en concertation avec le chef de l'Etat, sachant que ces portefeuilles relèvent des prérogatives du président de la République. Ainsi, tout est conforme à l'article 92 de la Constitution. Lorsque la Tunisie vivait sous la dictature, une telle mesure n'aurait interpellé personne parmi les citoyens et, particulièrement, les médias. Aujourd'hui, c'est tout le monde qui s'en mêle, chacun selon son appartenance politique et idéologique. Pour certains, Youcef Chahed aurait dû tempérer son ardeur et ne pas se presser pour régler ses comptes avec son ministre de la Défense. Leur différend est un secret de Polichinelle qui a éclaté au grand jour, lors de la campagne électorale de la présidentielle. C'était du jamais vu. Deux ministres qui « se chamaillaient toutes griffes dehors». C'était la fin d'une idylle confirmée par l'absence du ministre Zbidi des réunions du Conseil des ministres. D'ailleurs, pour M. Zbidi, il n'y a aucun doute que le chef du gouvernement est derrière son limogeage. D'autant plus, a-t-il affirmé, qu'une demi-heure plus tôt, sa démission a été rejetée par le président de la République qui lui a signifié son limogeage, par téléphone, après sa rencontre avec Youcef Chahed. Un Président qui change d'avis rapidement « ne rassure pas », estiment les observateurs. Autre son de cloche avec le ministre des Affaires étrangères qui avait brillé par son absence de l'audience accordée à son homologue allemand par le président de la République. L'a-t-il fait sciemment ou a-t-il été écarté par les services de la présidence ? A ce sujet, aucune réponse n'a été fournie. Les observateurs tentent de trouver un lien entre ce limogeage et l'affaire des jeunes Tunisiens « qui se seraient rendus en Israël pour prendre part à un forum international ». Certaines parties ont même accusé l'Allemagne de leur avoir facilité l'obtention des visas. Ce que l'ambassade allemande a nié catégoriquement, assurant que ses prérogatives ne lui permettent pas d'agir au-delà de l'espace européen. Un autre démenti est venu du ministère des Affaires étrangères qui précisait que la seule personne qui se serait rendue en Israël est une femme belge d'origine tunisienne. Voilà ce qui allume la flamme et attise le feu quand on sait que la normalisation avec l'entité sioniste est considérée par le chef de l'Etat comme un acte de «haute trahison». En donnant le feu vert au chef du gouvernement pour limoger le ministre, Kaïs Saïed aurait-il décelé une anomalie dans le traitement de cette affaire au niveau d'un département dont le fonctionnement relève, selon la Constitution, de ses prérogatives ? Reste que ce limogeage a été au centre des discussions même dans les cafés qui, depuis 2011, grouillent de « politiciens » et « d'analystes ». A chacun son idole qu'il défend bec et ongles. Mais tous s'accordent que c'est malvenu. D'autant plus que l'actuel gouvernement s'apprête à partir pour laisser sa place à un autre qui sera constitué vers la fin novembre. In fine, limogeage ou démission, on ne le saura, peut-être, jamais. M. K.