La crainte d'une montée du parti d'extrême droite Vox dominait le dernier jour de campagne avant les élections de dimanche en Espagne et le Premier ministre socialiste sortant Pedro Sanchez tente de mobiliser la gauche pour l'enrayer. Profitant de la colère d'une partie des Espagnols contre les séparatistes catalans après les troubles du mois d'octobre, cette formation ultranationaliste et anti-immigration pourrait doubler son nombre de sièges et devenir la troisième force politique du pays, selon les sondages. Signe de son influence croissante, Vox a obtenu le soutien jeudi du Parti Populaire (PP, droite) et des libéraux de Ciudadanos pour faire adopter au parlement de la région de Madrid une motion symbolique réclamant l'interdiction pure et simple de tous les partis indépendantistes. Quasiment inconnus l'an dernier, Vox et son leader Santiago Abascal, qui clôtureront leur campagne en plein centre de Madrid, ont fait leur entrée en force au Parlement espagnol lors du dernier scrutin du 28 avril avec 24 députés, dans un pays où l'extrême droite était marginale depuis la fin de la dictature franquiste en 1975. Les sondages créditent désormais ce parti d'environ 50 sièges sur 350. En avril et lors des européennes de mai, il avait toutefois fait moins bien qu'attendu. Tentant de mobiliser la gauche comme il l'avait fait en avril, le chef du gouvernement Pedro Sanchez, favori du scrutin, a appelé vendredi à «faire face au franquisme» et dénoncé les accointances entre Vox et les conservateurs qui ont scellé des alliances au niveau local. Selon le politologue Miguel Requena Teruel, la crainte d'une montée de Vox est dans toutes les têtes, à gauche comme à droite. Sanchez «appelle à la mobilisation de la gauche, car cela lui a réussi le 28 avril» tandis que le «PP commence à avoir peur que la montée de Vox dans les sondages soit bien réelle». Plus de 1 600 professeurs et chercheurs ont dénoncé vendredi dans un manifeste «la falsification et la manipulation des données et des informations» par Vox pour servir son discours de «nationalisme extrême». Paralysie Cette ascension attendue de l'extrême droite découle en grande partie, selon les analystes, de l'émoi suscité par les violents heurts en Catalogne ayant suivi la condamnation mi-octobre de neuf dirigeants indépendantistes à de lourdes peines de prison pour la tentative de sécession de 2017. A en croire les sondages, le PP devrait aussi en tirer profit pour redresser la tête après sa débâcle d'avril (66 députés), tandis que Ciudadanos, qui a désorienté ses électeurs en ne cessant de changer de position, pourrait être le grand perdant du scrutin. Incapable de s'allier avec la gauche radicale de Podemos pour être reconduit au pouvoir après le scrutin d'avril, ce qui a entraîné ces quatrièmes élections en quatre ans, M. Sanchez est donné une nouvelle fois gagnant par les sondages. Mais il ne devrait pas en sortir renforcé alors qu'il comptait améliorer son score de 123 députés obtenus en avril. Résultat, l'instabilité politique qui mine depuis 2015 la quatrième économie de la zone euro ne devrait pas être réglée. Ni le bloc de gauche (socialistes et gauche radicale), ni celui de droite (PP, Vox, Ciudadanos) ne semblent en mesure d'articuler une majorité et le blocage devrait être à l'ordre du jour, selon Miguel Requena Teruel. Espérant convaincre les indécis, M. Sanchez et son rival conservateur Pablo Casado n'ont cessé d'appeler ces dernières heures au vote utile. «Nous sommes dans un labyrinthe et dans ce labyrinthe, je crois que le plus important est de renforcer la première force qui peut résoudre» le blocage, a insisté M. Sanchez, qui clôture sa campagne à Barcelone en Catalogne. Une région, sous haute protection policière, où la mystérieuse plateforme indépendantiste «Tsunami Democratic» a convoqué samedi une journée de «désobéissance civile» sans dévoiler quelle forme elle prendra.