Clôturée officiellement jeudi, la 10e édition du Festival international du cinéma d'Alger se poursuit, néanmoins, aujourd'hui à la salle Cosmos, avec le programme off. Les journées des mardi et mercredi ont vu défiler sur le grand écran de la salle Ibn-Zeydoun des œuvres sensibles et percutantes traitant des maux et des espérances du siècle. Entre fiction et documentaire, la sélection du Fica, bien que profondément inégale, permet parfois la découverte de pépites cinématographiques à l'instar de Tilo Koto (Sous le soleil), coréalisé par Sophie Bachelier et Valérie Malek. La question de l'émigration massive dans l'Afrique subsaharienne est l'une des préoccupations majeures du cinéma engagé ces dernières années, et il n'est guère facile pour le documentariste d'y éviter les poncifs du genre. Les deux réalisatrices semblent conscientes de la frontière ténue séparant le film solidaire et respectueux de ses protagonistes de l'exposé condescendant et misérabiliste dont beaucoup d'Européens se rendent coupables quand il s'agit des problématiques du Sud. Loin de toute facilité, Tilo Koto oscille constamment entre la distance et l'implication éthique et politique, entre la pudeur d'un témoin impuissant et la volonté de donner pleinement la parole à ces damnés de la mer. C'est à travers le parcours de Yacouba Badji, un talentueux artiste-peintre sénégalais, échoué dans le Sud tunisien après avoir traversé l'enfer libyen et tenté, sans succès, d'atteindre l'Europe, que le film s'insinue dans le drame des réfugiés. Ponctué par les toiles poignantes de ce jeune Casamançais et les scènes de vie quotidienne, le documentaire opte pour une altérité réussie entre images sublimatoires et récits parfois insoutenables de Yacouba et de ses amis. Tous ont tenté plusieurs fois la traversée de la Méditerranée par les côtes libyennes, et c'est dans ce pays qu'ils deviendront de véritables suppliciés. Côté fiction, Sotra, un court-métrage signé par Abdallah Aggoun avec à l'affiche Chawki Ammari, Idir Benaïbouche et Assia H., revient à la fois sur les traumas de la décennie noire et la condition des femmes en Algérie. Rahim, un ancien Patriote qui avait combattu les islamistes les armes à la main, assiste, vingt ans plus tard, de la fenêtre d'un appartement où il vit prostré, au harcèlement quotidien que fait subir à sa famille Kahina, un jeune du quartier aussi accro aux stupéfiants qu'à la morale religieuse. La question du voile en tant qu'injonction sociale et l'insoutenable calvaire que vivent les femmes dans la rue sont les deux pivots de ce récit à la fois drôle et poignant qui séduit par la construction psychologique solide de certains de ses personnages mais dont le dispositif narratif ainsi que l'aspect démonstratif desservent la cohérence de l'ensemble. Le palmarès annoncé jeudi attribue à Sotra le prix du public en ex æquo avec La fausse saison de Menad Embarek. Alors que dans la section long-métrage, les faveurs des spectateurs vont à Paysages d'automne de Merzak Allouache et La Bolduc de François Bouvier (Canada). Côté documentaire, 143, rue du désert rafle le prix du public, le grand prix du jury ainsi que la médaille Gandhi décernée par le CICT (Conseil international du cinéma, de la télévision et de la communication audiovisuelle), tandis que le prix spécial du jury revient à L'envers d'une histoire de Mila Turajlic (Serbie). Pour ce qui est des fictions, le jury, présidé par Pierre-Henri Deleau, décerne son prix spécial à La miséricorde de la jungle de Joël Karekezi, tandis que la distinction suprême revient à Wardi de Mats Grorud (Norvège). S. H.