Disparu des radars depuis l'été dernier, il se disait dans les milieux politiques que le FLN est définitivement déclassé en termes d'influence à la suite des successives incarcérations de ses dirigeants les plus en vue. Un avis jusque-là largement partagé après l'inattendue décision prise par les derniers gardiens du temple de ne pas participer à la présidentielle. Ce forfait électoral qui, habituellement, n'était pas dans sa tradition, sauf peut-être en 1996, a fini par convaincre certains de ses militants que l'autodissolution n'est plus à exclure. Par contre, d'autres thèses plus subtiles sont moins pessimistes puisqu'elles supposent la possibilité d'une future refondation doctrinale et qu'à cet effet, la direction de ce parti se serait accordée pour «décrocher» des enjeux de la présidentielle en adoptant une prudente neutralité. Alors que les récentes informations font état de la fin de sa bouderie et son nouvel intérêt pour le scrutin, voire une probable déclaration de soutien au candidat du RND, certains cercles estiment non seulement tardive son implication mais, de plus, imaginent déjà une esquisse de ce que sera l'arrangement qui sera passé avec le parti du candidat donné favori. Pour deux raisons, au moins, cette interprétation vaut son pesant de soupçon. La première est que le FLN aurait acquis presque la certitude que Mihoubi est le «favori», alors que la seconde permettrait au lendemain du 12 décembre de réfléchir à une solution des blocs (koutla) avant de rejoindre la future majorité du nouveau Président. Il est vrai que même lorsqu'il est mortellement touché dans sa notoriété et dans sa chasse-gardée, le FLN ne renonce jamais et demeure en mesure de réagir en puisant dans toutes les ruses politiques possibles. Dans cet exercice peu convenable, ses dirigeants avaient, évidemment, excellé notamment à travers sa représentation dans les institutions qu'ils clochardisèrent sans vergogne en censurant les débats grâce à l'arme fatale du nombre. Certes, le RND ne valait guère mieux dans certains contextes à l'image d'Ouyahia plus doué pour la roublardise et la duplicité amorale même lorsqu'il lui arrivait d'être confondu publiquement pour ses contrevérités. Mises donc en parallèles, les trajectoires de ces deux partis révèlent l'étendue de leur nocivité à travers la culture de la fraude électorale tout au long de leur existence. Proportionnellement à leur présence sur la scène politique, leur passif est également important. De même que l'on ne peut passer sous silence les péripéties ayant présidé à leur acte de naissance. Autrement dit, leur existence est également frappée du sceau de l'imposture. En effet, l'Algérie officielle commencera par accoucher d'un FLN usurpateur d'un héritage historique et qui, après avoir été la doctrine du système, récidivera plus tard à travers un populisme répressif en se dotant d'une idéologie de l'exclusion par le biais de l'article 120 faisant de ses militants des aristocrates révolutionnaires et uniques impétrants aux fonctions d'autorité. Quant au RND, celui-ci ne devait son existence que bien plus tard et à des fins de gestion d'un scrutin majeur : celui de l'élection de Zeroual. Conçu justement dans les laboratoires de l'armée dans le seul but de siphonner le personnel d'un FLN traversant une période de disgrâce à la suite de ses connivences avec la mouvance islamique, il allait fatalement attirer dans son giron tous les ambitieux Rastignac qui souhaitaient gravir les échelons de la délation et autres amoralités. Les Ouyahia, Bensalah et autres minuscules agitateurs talentueux, précédemment confinés dans les kasma du FLN, bénéficièrent d'un traitement meilleur en leur qualité de transfuges. Ce fut d'ailleurs le cas du poète Mihoubi qui se retrouve à présent à une «marche» du sommet de l'Etat. Cela dit, et pour comparer à nouveau, il suffit de poser côte à côte les trajectoires de ces deux partis pour constater que leur compagnonnage au service du régime déchu est quasiment identique. Ayant gouverné alternativement mais avec un léger avantage au RND, ils ne pouvaient qu'être profondément compromis dans la faillite de l'Etat. Or, comment s'est-il fait que ces appareils aient pu survivre à l'indignité nationale et, pis encore, sont autorisés à débattre du devenir d'un Etat qu'ils avaient mal servi ? Autrement dit, pour quelles raisons les «arbitrages» occultes épargnent ce binôme avec souvent bien plus de précautions destinées au FLN afin d'éviter à celui-ci l'inimaginable disgrâce historique ? C'est certainement cette forme d'immunité accordée à un appareil que l'on a assimilé à une «institution» qui explique pour l'essentiel sa résistance aux chocs historiques que sont les mouvements sociaux et les soulèvements de masse semblables à celui de l'actuel «mouvement du 22 février». C'est dire que le FLN avait «génétiquement» muté dans sa raison d'être après sa déstabilisation au lendemain d'Octobre 1988 et ensuite face à l'émergence du courant islamiste dont la lame de fond représentée par le FIS allait l'affaiblir pour longtemps. C'est dans cet état que se retrouva marginalisé politiquement ce FLN. Il a fallu attendre l'entrée dans le nouveau siècle et l'investiture de Bouteflika pour parler de renaissance à son sujet. Sauf que le «FLN nouveau» qui fut célébré par Bouteflika a cessé d'être un courant de pensée pour devenir une officine qualifiée pour les complots et la violence. C'était l'ère de la culture maffieuse avec tout ce que la paranoïa de la domination a secrété comme anathèmes à l'encontre de ses contradicteurs. L'agressivité de ses relations prit souvent des tournures dangereuses et cela à la faveur des encouragements de Bouteflika qui en fit une entreprise de nervis et un «centre d'apprentissage des baltaguias». Or, si à présent ses dirigeants tentent de faire le «buzz» avec le marketing d'une offre de service, c'est pour s'attendre à la fois à un retour d'ascenseur susceptible de le réactiver mais aussi pour obéir à un signal venu «d'en haut». Là où ont toujours siégé les Ponce Pilate qui se lavaient les mains à la moindre suspicion. Il est vrai que le FLN a toujours été leur client fidèle dans ce domaine. B. H.