Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Laissons aux biographes de tous bords le soin de revisiter la trajectoire exceptionnelle de celui qui fut le premier pr�sident de l�Alg�rie. Sa disparition dans le grand �ge et surtout le lointain souvenir du pouvoir qu�il eut � exercer contribuent d�ailleurs � att�nuer les ranc�urs qu�il suscita jadis. De lui, il ne survit de nos jours que l�aur�ole d�une certaine histoire du mouvement national dont, pourtant, des pans entiers demeurent obscurs. Tel qu�en lui-m�me, que seule l��ternit� doit le changer, Ben Bella est d�sormais un sujet de th�se des seuls historiens d�s lors qu�il s�est irr�m�diablement effac�. C�est ainsi que le jour d�apr�s ses fun�railles nationales, la vie ordinaire doit reprendre son cours en renouant avec les p�rip�ties tragicomiques du FLN dont justement ce d�funt-l� avait �t� l�alchimiste politique. Celui qui, d�s 1963, parvint � transformer un front unitaire de combat, c�est-�-dire un creuset o� fusionn�rent toutes les sensibilit�s politiques ant�rieures � 1954, en parti unique de pouvoir. Le sien � l�origine et qui par la suite connut une long�vit� telle qu�il se crut le d�positaire exclusif du novembrisme alors que sa l�gitimit� sur ces valeurs est tout � fait putative. Certes, les s�quences qui ont jalonn� son existence tout au long de ce demi-si�cle ont souvent peu � voir les uns par rapport aux autres. Et qu�il y a autant de diff�rences doctrinales entre la charte d�Alger de 1964 et les r�solutions du 8e congr�s de Belkhadem de 2009 qu�il ne s�en trouverait, par exemple, entre le lointain parti communiste de Bachir Hadj Ali et le FIS de Abassi. Fruit rabougri � l�image d�un Etat de moins en moins vigoureux, le FLN int�riorise � lui seul l��chec du pays. Hormis la courte parenth�se de Mehri (1991-1995), il ne s�est jamais envisag� comme un contre-pouvoir. Con�u originellement pour n�exercer son influence qu�au profit du r�gime sur place, le FLN, de par ses privil�ges dans l��chiquier, �tait t�t ou tard appel� � subir les assauts des �mal-r�compens�s � ! Or, comme un juste retour des choses, son actuel secr�taire g�n�ral est en butte aux m�mes avanies que celles qu�il assena, en service command�, � son pr�d�cesseur. Neuf ans apr�s la destitution de Benflis apr�s le simulacre d�une �justice de nuit�, le voil� � son tour embastill� dans son bureau un matin des �longs couteaux�. Mais ce que personne n�ignore est que la majorit� des caciques qui se sont ligu�s pour le d�boulonner faisaient partie de la cur�e de 2003. D�l�gu� en tant que ma�tre d��uvre d�une basse besogne, Belkhadem d�tenait en ce temps-l� les bons s�sames pour leur ouvrir des carri�res. Deux r��lections de Bouteflika plus tard (2004- 2009) auxquelles s�ajoutent les modifications du contexte international ont, semble-t-il, �puis� le stock des all�geances utiles dont a besoin aujourd�hui le chef de l�Etat. Subitement, celui-ci souhaite de moins en moins arbitrer dans la cuisine du FLN, o� le partage des eaux a toujours consist� en une lutte de proximit� avec sa personne. Sans lui pr�ter l�intention de se d�tacher d�un appareil dont il avait �prouv� la fid�lit�, jusqu�� lui mobiliser des nervis quand il �tait en difficult�, Bouteflika a s�rement besoin de solder ces vieilles connivences afin de redonner du cr�dit � ses nouveaux engagements en endossant enfin l�habit d�un pr�sident au-dessus des contingences partisanes. Pour ce faire, quoi de mieux que de laisser ce FLN-l� se d�sint�grer et partir par petits morceaux ? Autrement dit, devenir groupusculaire m�me s�il retrouve un quelconque ciment pour recoller les int�r�ts qui le traversent. Un FLN affaibli, aussi bien par les prochaines urnes que par le putschisme interne constituerait alors pour sa d�marche actuelle un soup�on de moins ! Il est vrai que la transparence qu�il pr�ne depuis une ann�e a besoin qu�il lui invente une onde de choc pour qu�elle soit ressentie comme un gage. Et c�est par cons�quent cet appareil historique, dont il faudra laminer l�h�g�monie, qui payera en premier la facture du �changement�. Les n�o-redresseurs, qui, d�ailleurs, �taient des �ex� dans le m�me registre, avaient s�rement per�u � temps le vent de la disgr�ce qui soufflait dans la barbe de Belkhadem. Or, cette intuition ou peut-�tre cette complicit� explique cette singuli�re agressivit�, eux qui avaient la r�putation de timor�s. Un qualificatif qu�eux-m�mes �vitaient en toutes circonstances pour ne parler que de discipline militante. D�sormais, � l��uvre dans l�invective, ils se donnent en spectacle comme de lamentables chiffonniers. Plus qu�un signe, c�est peut-�tre m�me un signal, voire un encouragement au suicide collectif ! Car dans la perspective d�un �chec significatif au cours du scrutin du 10 mai, il est peu probable que ce parti soit capable par lui-m�me de se reconstruire. In fine, m�me le pr�sident ne s�y affairerait pas, lui dont la ligne d�horizon est fix�e � 2014. Menac� alors de d�clin, ce sigle pourrait alors s�acheminer vers le mus�e de l�histoire, o� il aurait d� y entrer d�s 1962, n�e�t �t� la discorde de la saison initiale de l�ind�pendance.