Par Boubakeur Hamidechi [email protected] En l�absence de sondages, susceptibles de mesurer avec une certaine fiabilit� l�abstention �lectorale, la presse en est r�duite aux comptes-rendus des meetings. Ceux qui sont plut�t aliment�s par les �bons mots� des tribuns de fortune et insistent peu sur l�indiff�rence des auditoires clairsem�s. Certes, la plupart des commentaires, qui se publient en soutien au travail des correspondants, se sont empar�s de cet aspect primordial de la campagne. Et dans leur majorit� font le m�me pronostic : celui d�une forte d�saffection en vue. Mais comme la presse n�est jamais bonne proph�tesse pour le r�gime lorsqu�elle lui pr�dit de mauvais augures, celui-ci ne sait r�agir que par le d�ni de la r�alit� le moment venu. C�est ainsi qu�au soir du 10 mai, l�on ne s��tonnera pas que les taux de participation seront annonc�s au son du clairon par le ma�tre d��uvre de �l�int�rieur� qui se fera un devoir de saluer le civisme alg�rien. En somme, des l�gislatives r�ussies ne s�argumentent plus � travers la recomposition d�une nouvelle majorit� politique mais uniquement � partir de la consolidation du pouvoir en place. Il y a peu de jours d�ailleurs l�un de ses piliers, Ouyahia pour le nommer justement, n�avait-il pas d�rog� � son habituel go�t pour la d�magogie ? En campagne pour son parti, sa langue a fourch� jusqu�� lui faire dire ce qu�il aurait d� taire. Mot � mot, il eut de malencontreuse id�e d�expliquer que �le changement en vue consiste en la continuit� ! Voil� un acte de franchise involontaire qui ne plaira s�rement pas � tous les faux na�fs qui s�usent la semelle en martelant que ce 10 mai, auquel ils sont invit�s � concourir, sera le grand soir alors qu�il se pr�pare, pour la plupart d�entre eux, un lendemain de gueule de bois. Ainsi, gr�ce � un pl�biscite indirect et notamment cousu de fil blanc, le chef de l�Etat sera parvenu � lever toutes les hypoth�ques sur 13 ann�es de pr�sidence et, de fait, aura les coud�es franches pour rebattre seul les cartes du s�rail tout en s�octroyant l�exclusivit� de redessiner la nouvelle carte, celle de la R�publique. Comment s�y prendra-t-il, n�est-ce pas la question qui, d�sormais, affleure dans les discussions d�s lors que le simulacre de ce scrutin ne fait aucun doute ? En toute logique, il voudra envoyer en priorit� un signal fort par le biais d�un recadrage de l�ex�cutif. Cela consisterait � nommer aux affaires du gouvernement des personnalit�s �neuves� ou tout au moins pas trop marqu�es par les connivences partisanes du pass� r�cent. L�option d�une �quipe de technocrates � la majorit� des postes de gestion lui permettrait d�ailleurs de garder aupr�s de lui quelques fid�les qui auront la mainmise sur les fonctions de souverainet�. Gr�ce � cette division des t�ches o� seuls ces derniers seront d�sign�s pour la navette avec le nouveau parlement qu�il saura superviser et qu�il le voudra sans blocs pesants comme il l�a �t� jusque-l� avec l�alliance FLN, RND et MSP. De cette strat�gie de mise � distance respectable la double famille conduite par Belkhadem et Ouyahia, il ne visera pas � en faire de futurs opposants mais le contraire. C�est-�-dire des avocats �mancip�s de sa proximit� et tout � fait aptes � devenir les mod�rateurs de son projet de constitution lorsque celui-ci arrivera dans le d�bat. Mais alors quid de la configuration de l�APN. Si les appareils traditionnels doivent �tre en retrait� mais pas trop ? L� aussi certains sc�narios peuvent s��crire qui donneraient de la visibilit� protocolaire au FFS et au PT mais �galement � la �Koutla islamiste�. Le souci ancien de ne jamais exclure ce qu�il appelle la dimension irr�futable de la sensibilit� nationale ne serait pas d�pays� aux c�t�s des partis d�A�t Ahmed et de Louisa Hanoune avec lesquels ils ont partag� un l�galisme de combat qui date de Sant�Egidio. L�on peut donc imaginer qu�avec un faisceau de cinq tendances (FLN, RND, FFS, PT et islamistes verts), l�Assembl�e nationale future est tout � fait en mesure de l�accompagner sans trop le censurer sur l�objectif nodal que sera la loi fondamentale. Cela dit, avant que toutes ces hypoth�ses ne soient du domaine du possible pour Bouteflika, il lui reste � se confronter � la terrible abstention qu�il s�efforcera de cacher par les artifices que l�on conna�t. L�opinion �tant difficile � abuser, restera-t-elle passive � la lecture des scores du 10 mai ? Nous n�en savons strictement rien sur sa r�action si ce n�est que le r�gime actuel a moins de difficult� � inventer des martingales politiques qu�� regagner la sympathie et l�adh�sion du pays r�el. Car, enfin, Bouteflika ne peut plus ignorer que son impopularit�, qu�il a d�ailleurs exacerb�e par le viol de la Constitution en novembre 2008, est r�elle et qu�elle le condamne aux marges les plus �troites lorsqu�il se veut sinc�re. En effet, un pr�sident qui a eu � recourir � des proc�d�s extr-ad�mocratiques demeure peu rassurant dans le sentiment populaire. Or, celui-ci vaut toujours son pesant de suspicion � la veille d�un vote que l�on pr�sente comme une promesse� mais dans la continuit�. Merci, par cons�quent, � ce gaffeur d�Ouyahia pour son lapsus r�v�lateur.