Les partis politiques irakiens négociaient toujours hier lundi le nom du futur Premier ministre que le Président Barham Saleh s'est engagé à proposer au vote du Parlement au plus tard jeudi. La tâche est d'autant plus compliquée que ces négociations sont scrutées de près par plusieurs milliers de manifestants qui, depuis deux mois et demi, sont mobilisés contre la classe dirigeante et rejettent par avance tout politicien issu du «système corrompu» en place depuis la chute de l'ancien régime de Saddam Hussein en 2003. Le mouvement de contestation, durement réprimé, a déjà donné lieu à quelque 460 morts et 25 000 blessés. Il a tout de même réussi à obtenir le 1er décembre la démission du Premier ministre Adel Abdel Mahdi, qui continue à assurer les affaires courantes jusqu'à la désignation de son successeur. Dans une lettre officielle rendue publique dans la nuit de dimanche à lundi, le président Saleh affirme avoir reçu la lettre du chef du Parlement acceptant la démission de M. Abdel Mahdi «le 4 décembre», ce qui, conformément à la Constitution — laquelle donne deux semaines au Parlement pour désigner un nouveau Premier ministre —, fixe la date-butoir à jeudi. Dans sa lettre, le Président demande, en outre, au Parlement de lui dire «quelle est la plus grande coalition» au sein de l'Assemblée, dont doit théoriquement être issu le nouveau Premier ministre. Il y a 13 mois, pour nommer Adel Abdel Mahdi, le Parlement avait maintenu le flou sur cette «plus grande coalition» et M. Abdel Mahdi avait été nommé aussitôt après avoir été désigné par M. Saleh. Le Premier ministre démissionnaire avait ensuite formé son gouvernement grâce à deux alliés, qui ont aujourd'hui pris des positions divergentes face à la rue. D'un côté, Moqtada Sadr, qui tient le premier bloc au Parlement, affirme soutenir et défendre les manifestants qui réclament le renversement de tout le système et de ses politiciens. De l'autre, le bloc des anciens du Hachd al-Chaabi, paramilitaires intégrés aux forces irakiennes, le deuxième de l'Assemblée, voit un «complot» de l'étranger dans ces défilés. Plusieurs noms circulent, dont celui de Mohammed al-Soudani, 49 ans, ancien ministre et ex-gouverneur d'une province du sud, d'ores et déjà rejeté par les manifestants qui exigent un candidat «indépendant», «non corrompu» et n'ayant pas été mêlé aux affaires depuis 2003. «Les chances de Soudani sont faibles et le risque grand que sa candidature soit rejetée» par les députés, selon des sources politiques. «Le Président Barham Saleh parie sur ce rejet, alors il pourra présenter le candidat de son choix», sans avoir besoin de l'aval du Parlement cette fois, selon la Constitution, ajoutent-elles. Outre le poids du mouvement de protestation, les négociations sont d'autant plus ardues que le grand ayatollah Ali Sistani, 89 ans, figure tutélaire de la politique en Irak, s'est dissocié du processus de désignation du Premier ministre. Il a déclaré, il y a dix jours, qu'il entendait cette fois-ci ne jouer «aucun rôle», souhaitant simplement que la nomination du nouveau Premier ministre se fasse sans «ingérence étrangère».