De Tunis, Mohamed Kettou Au départ, c'était un fait divers comme on en rencontre tous les jours partout dans le monde. C'était le 17 décembre 2011. Un marchand ambulant de la ville de Sidi Bouzid ( Centre-Ouest tunisien) s'immole par le feu suite à une rixe avec un agent de sécurité. C'était suffisant pour enflammer, graduellement, toute la Tunisie et se terminer, trois semaines plus tard, par le départ définitif du Président Ben Ali. C'était ce qu'on appelle la révolution du 14 janvier 2011. Les sensibilités étaient et sont encore à fleur de peau puisque cette date est contestée par les habitants de Sidi Bouzid qui ne reconnaissent que la date du 17 décembre. On commémore, aujourd'hui, cet événement dont les conséquences sont diversement vécues par le peuple tunisien. Le slogan «liberté et dignité» n'a été exaucé qu'à moitié. Le peuple s'est libéré du joug du «benalisme» qui ne tolérait aucun écart d'une conduite imposée par un régime foncièrement policier à travers un parti «RCD» omniprésent dans le quotidien des citoyens. En un mot, c'était la dictature. Aujourd'hui, les choses ont changé. Mais le peuple est-il plus heureux ? Celui-ci est certes libre mais n'arrive plus à joindre les deux bouts. Les gouvernements successifs qui gèrent les affaires du pays ont été incapables de maintenir le pays à son niveau économique encore moins d'enregistrer une avancée sur le plan du développement. Tous les secteurs ont été touchés par un délabrement qui rappelle celui vécu par la Tunisie au cours des derniers jours de Bourguiba. A commencer par le tourisme qui n'a retrouvé son niveau de 2010 que cette année. Le phosphate a connu une chute vertigineuse jusqu'à l'arrêt total de la production en raison des grèves successives. Ainsi les subsides font défaut et les gouvernements installés depuis 2011 ont souvent recours à l'endettement extérieur même pour honorer leurs engagements intérieurs et étrangers. Aujourd'hui, la dette extérieure à atteint des proportions inquiétantes puisqu'elle avoisine les 80% du produit intérieur brut. Ces difficultés se lisent, aisément, dans le budget de l'année prochaine qui prévoit, pour le quart de son financement, le recours à l'emprunt extérieur sans que les décideurs prennent la peine d'y inscrire des projets de développement susceptibles de changer, même relativement, le visage du pays et donner espoir aussi bien aux 15% des chômeurs qu'aux pères de famille qui souffrent de l'augmentation des prix. D'autres secteurs délabrés attendent des réformes profondes. Santé, éducation, voire transport font souffrir le citoyen. Les gouvernements successifs ne semblent pas avoir la capacité de les relever dans un pays où la course vers les fauteuils politiques entre les partis est de plus en plus effrénée. C'est ainsi, d'ailleurs, que pourrait s'expliquer le retard enregistré par le chef du gouvernement désigné Habib Jemli dans la formation de son équipe, prolongeant, du coup, le mandat du gouvernement chargé de liquider les affaires courantes.Telle est la situation dans laquelle se débat la Tunisie depuis neuf ans. Le peuple n'en peut plus et les dirigeants ne semblent pas prêts à répondre à des attentes. M. K.