Le chef de l'Etat, Abdelmadjid Tebboune, a fait plusieurs engagements lors de sa prestation de serment jeudi. Le lendemain, des marches populaires de contestation se sont déroulées dans plusieurs wilayas du pays. Les partis politiques se trouvent partagés entre les engagements de Tebboune et la poursuite du mouvement populaire. Certains appellent le nouveau locataire d'El-Mouradia à traduire rapidement ses engagements, pendant que d'autres expriment leur attachement total au Hirak. Karim Aimeur PLJ : «traduire rapidement les engagements sur le terrain» Le Parti pour la liberté et la justice (PLJ), de Mohamed Saïd, a appelé à traduire rapidement sur le terrain les engagements de Tebboune faits lors de sa prestation de serment. «Ils doivent être précédés par la prise de mesures d'apaisement préalables pour dissiper le climat d'inquiétude perceptible, et ouvrir ainsi la voie à un dialogue national, global et responsable, porteur de solutions consensuelles pour la réalisation de ce qui reste des revendications du Hirak populaire», a souligné le parti dans un communiqué rendu public hier. Pour le PLJ, cela permettra au citoyen de retrouver la confiance envers les institutions de l'Etat. Le parti a salué les trois premières mesures de Tebboune, à savoir la suppression du titre de fakhamatou, la non-reconduction de Bédoui et le limogeage du ministre de l'Intérieur «en raison des propos irresponsables tenus peu avant la fin de la campagne électorale présidentielle». Le PLJ a précisé que le mouvement populaire constitue «une donne incontournable dans la vie politique nationale, en mettant fin à l'indifférence du citoyen à l'égard de l'action politique». «C'est, en effet, cette révolution pacifique qui a empêché le 5e mandat, provoqué l'incarcération de quelques symboles de la corruption, libéré le droit de manifester. Bien plus, c'est elle qui a permis au Président Tebboune d'accéder à la magistrature suprême», a-t-il noté. Et d'appeler les animateurs du Hirak à trouver un cadre légal à leur action afin de contribuer à l'instauration du nouveau régime, au lieu de rester dispersés en courants et appartenances idéologiques incompatibles, dominés par la surenchère politique au détriment du réalisme. RCD : «Tebboune a les mains liées…» Le RCD estime que le nouveau chef de l'Etat n'a pas les coudées franches pour réaliser ses engagements. «Tebboune, par son illégitimité, a déjà les mains liées et ne pourra en aucun cas se libérer des injonctions du collège d'usurpateurs qui l'a placé au sommet de la responsabilité tronquée et truquée. Pour les Algériens, le seul engagement possible et historique à accepter est celui qui décrétera la fin d'un système qui a ruiné la Nation et compromis l'avenir des générations futures», a soutenu le chargé de communication du parti, Atmane Mazouz. Dans une déclaration au Soir d'Algérie, ce dernier s'interroge sur ce que peuvent valoir «les engagements d'un chef d'Etat désigné en dehors et contre la volonté populaire». Il signale qu'au lendemain de l'installation de Tebboune, «des manifestations pacifiques ont été réprimées, des dizaines d'arrestations abusives ont été enregistrées et des Algériens sont interdits de circulation libre dans leur propre pays». FFS et Jil Jadid : «attachement au mouvement populaire» Après le 44e vendredi de mobilisation populaire, le parti Jil Jadid de Soufiane Djilali a exprimé son attachement clair au mouvement populaire et à ses revendications légitimes de changement radical du système. «Il est temps d'entendre ce que demandent les Algériens. Il est temps de s'éloigner des manœuvres et des diversions. Il est temps d'assumer la responsabilité et de donner aux Algériens leur droit d'édifier l'Algérie de la démocratie et l'Etat de droit», a écrit le parti sur sa page Facebook. Le FFS a lui aussi exprimé son attachement au mouvement populaire qui boucle aujourd'hui son 10e mois et entame le 11e. «Le FFS est toujours mobilisé et déterminé à poursuivre son combat aux côtés des Algériennes et des Algériens pour imposer une véritable transition démocratique et l'avènement de la deuxième République», a affirmé le parti au lendemain de la prestation de serment de Tebboune et à l'issue du 44e vendredi de contestation. Le FFS souligne que les citoyens poursuivent leur mobilisation pacifique sur l'ensemble du territoire national pour un changement radical du régime. Laddh : «on a pris acte du discours de Tebboune» La Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (Laddh), aile Zehouane, a pris acte du dernier discours du nouveau chef de l'Etat et de ses engagements lors de sa prestation de serment. «On a bien pris acte du discours de Tebboune, qui reste le représentant du système avec une grave carence de légitimité», affirme le vice-président de la ligue, Saïd Salhi, dans une déclaration au Soir d'Algérie. Il relève qu'après les élections du 12 décembre, les termes de la crise sont toujours là. «Le Hirak est toujours mobilisé et est à la 44e marche pacifique. Il attend encore des réponses à ses aspirations qui restent intactes: le changement effectif du système. Plus que jamais le pouvoir est isolé, la rupture avec la société s'accentue dangereusement. La balle est toujours dans le camp du système», souligne notre interlocuteur. Il a affirmé qu'aucune solution politique ne peut être envisagée sans la libération des détenus du mouvement populaire, du champ politique et médiatique et l'arrêt de la répression. «Il s'agit d'exigences indiscutables», a-t-il précisé. Pour sa part, l'avocat Mostefa Bouchachi, à partir d'Oran, où il a participé au 44e vendredi de contestation, s'est exprimé sur l'appel de Tebboune au dialogue, lancé lors de sa première conférence de presse. Il s'est interrogé sur l'intention du pouvoir. «Y a-t-il une bonne foi pour organiser un dialogue qui permet de passer à une ère de démocratie ? Ou plutôt veulent-ils faire comme l'été dernier pour gagner du temps ?», s'est-il demandé, appelant à la libération des détenus d'opinion, à respecter le droit des citoyens de manifester pacifiquement et la liberté d'expression. K. A.