Ce sont les volets sécuritaire et économique qui auront accaparé l'attention des chefs d'Etat et de gouvernement réunis pour ce 33e Sommet de l'Union africaine (UA) à Addis-Abeba, Ethiopie. C'est en soi un cadre qui a toute son importance dans la mesure où les leaders africains se retrouvent, quand bien même l'agenda de travail est, en cette année 2020, chargé de défis au plan sécuritaire mais aussi économique. «Faire taire les armes » oui, mais s'atteler au développement impose un redoutable challenge qui plus est incontournable. A ce propos, les sujets phares de ce sommet ont été d'emblée rappelés s'agissant de la Zone de libre-échange africaine (Zlec) lancée en 2019 à Niamey (Niger). C'est au nouveau président de l'UA, dont le passage du témoin entre l'Egyptien Abdelfatah El Sissi et Ciryl Ramaphosa, Président de l'Afrique du Sud, de s'y atteler. Bien sûr, les foyers de tension sont nombreux qu'il s'agisse de la Somalie, le Soudan du Sud, le Sahel et la Libye. Moussa Faki, le président de la Commission de l'UA, a tenu à le rappeler en présence de tous, tant la situation sécuritaire est dramatique et aggravée surtout par l'absence de solution à brève échéance. Les chefs d'Etat africains se sont contentés, dans le cas de la Libye, à préconiser un grand forum de réconciliation hors de la Libye qui ne réunirait que les deux belligérants ainsi que les autres parties libyennes représentant les tribus et la société civile. La question sahraouie a été rappelée à la responsabilité des présents et il a été réitéré que la solution de ce conflit, vieux de 40 ans, passe par le respect du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Le Président Abdelmadjid Tebboune, dont c'est la première intervention à la tribune de l'Union africaine, a rebondi sur ce sujet dans son intervention devant ses pairs, avec calme et sérénité. Il a ainsi appelé le secrétaire général de l'Onu à «hâter la désignation de son envoyé personnel et à relancer le processus de règlement de la question du Sahara Occidental». Il a déploré le fait que «la question du Sahara Occidental n'ait toujours pas trouvé de règlement, alors que, depuis de longues années, l'Organisation des Nations-Unies et le Conseil de sécurité, appuyés par notre organisation continentale, s'emploient à la mise en œuvre du plan de règlement de la question du Sahara Occidental basé sur le droit inaliénable du peuple sahraoui à l'autodétermination». Le chef de l'Etat algérien a réitéré sa confiance dans les capacités de l'Union africaine tout en mettant à l'index la situation de statu quo en vigueur. S'il n'a pas eu à s'étendre plus que de besoin sur la crise en Libye, la position et les initiatives de l'Algérie étant connues, par contre il a eu à se désoler d'une réalité quelque peu oubliée. «L'Algérie ne saurait ignorer les pays frères et voisins, encore moins le continent africain dont elle est partie intégrante et le prolongement naturel.» «Cette africanité, dira-t-il, nous l'avons quelque peu occultée, ces dernières années, parce que focalisés sur nos affaires intérieures, mais nous sommes aujourd'hui résolus à y revenir, rapidement et fortement, dans le cadre renouvelé de l'Union africaine et au niveau des relations bilatérales», a-t-il affirmé. Dans son allocution, il appellera le continent à «prendre en charge lui-même ses problèmes et d'en finir avec sa marginalisation dans les relations internationales et l'économie mondiale pour prendre son destin en main et s'approprier son processus de développement dans toutes ses dimensions». Il rappellera «l'intérêt suprême accordé par l'Algérie aux projets structurants», citant, à ce propos, la Route transsaharienne, la Dorsale transsaharienne à fibre optique et le gazoduc Nigeria-Algérie. Abdelmadjid Tebboune a annoncé, hier dimanche à Addis-Abeba, la création d'une «agence algérienne de coopération internationale» à «vocation africaine», destinée à renforcer la coopération de l'Algérie avec les pays voisins, notamment avec les pays du Sahel. Cette agence aura pour principale mission «la concrétisation sur le terrain de notre volonté de renforcer l'aide, l'assistance et la solidarité avec les pays voisins, notamment les pays frères du Sahel», a-t-il souligné dans son discours. C'est là, sans doute, le seul élément particulier à relever dans ce sommet qui ne sort pas avec des annonces spectaculaires. S'il est beaucoup attendu de l'action de l'Afrique du Sud dans la conduite de la lutte antiterroriste, la résolution des conflits inter ou intra-africains, le chemin est semé d'embûches rendu encore plus difficile en l'absence d'une volonté commune publiquement assumée par les chefs d'Etat réunis dans la capitale éthiopienne. La réforme de l'organisation africaine en adéquation avec les nouvelles réalités d'ordre géostratégique aidera, à coup sûr, à la mise en œuvre des solutions pertinentes. Ciryl Ramaphosa aura une année devant lui pour traduire sur le terrain les recommandations de ce 33e Sommet de l'Union africaine. Brahim Taouchichet