Dimanche 1er ao�t. Il est 8h. Le quartier Meissonier se r�veille au bruit des revendeurs qui s�installent par dizaines. Le march� Ferhat- Boussa�d ouvre ses portes, les commer�ants ouvrent leurs boutiques et installent une partie de leur marchandise sur les trottoirs. Apparemment, l��troitesse de leurs locaux les a pouss�s � rallonger leur commerce sur la voie publique. Dans cette rue tr�s fr�quent�e de la capitale, transform�e depuis d�j� plusieurs ann�es en un v�ritable march� informel, le d�cor et l�atmosph�re sont comme � l�accoutum�e. Et pourtant� ! Mehdi Mehenni - Alger (Le Soir) - La rue grouille de gens, mais tous les citoyens ne sont pas l� pour faire des achats. Quelques-uns contournent les �tals des revendeurs qui bloquent l�acc�s au bureau de poste du quartier. �Regarde devant toi !�, lance un revendeur sur un ton mena�ant � un citoyen qui apparemment lui a foul� involontairement sa marchandise. Ceux qui veulent user du guichet automatique du bureau de poste doivent demander gentiment � deux revendeurs de v�tements de sport de leur c�der le passage. Leur marchandise �tant �tal�e sur les escaliers qui permettent d�acc�der au distributeur automatique, ils ne manquent pas de montrer leur d�sagr�ment, � chaque fois qu�un citoyen vient les d�ranger. Soudain, des voix s��l�vent en face et une poign�e de citoyens se regroupe. Un revendeur qui venait d�arriver a trouv� �sa� place occup�e par un marchand de sucreries. �C�est ma place, je travaille ici depuis des ann�es et c�est tout le monde qui me conna�t�, lui signifia-t-il. L�autre, qui apparemment n��tait pas pr�t � c�der la place n�a pas manqu� de r�agir : �Ce n�est pas un bien priv� de ton p�re. C�est l�espace public et celui qui arrive le premier a le droit autant que les autres de l�occuper�. Quelques instants apr�s, deux jeunes gens du quartier arrivent et il finira par se retirer, c�dant ainsi la place. La sc�ne n�a pas manqu� de susciter la curiosit� des passants. L�un deux finira par demander discr�tement � un revendeur : �Qu�est-ce qu�ils lui ont dit pour qu�il se retire aussi facilement ?�. �Pourquoi vous ne le savez pas ? Ici chaque m�tre carr� a son propri�taire �, lui expliqua-t-il, sans toutefois donner plus de d�tails. A l�int�rieur du march� Ferhat-Boussa�d, c�est toujours la m�me discussion qui revient. Les commer�ants ne parlent plus que de ces revendeurs qui d�abord g�nent l�acc�s au march�, mais qui, en plus, ont consid�rablement r�duit le nombre de leur client�le. Tr�s souvent, des disputes �clatent entre les deux parties qui, parfois, en arrivent aux mains. Seuls les revendeurs qui occupent l�entr�e des immeubles semblent �tre � l�abri des probl�mes quotidiens qui animent l�atmosph�re � Meissonnier. Ces derniers, �tant retir�s de la multitude, �voluent discr�tement et travaillent avec une client�le s�lectionn�e. Ils habitent g�n�ralement dans le m�me quartier ou l�immeuble qui leur sert de point de vente. M�me les commer�ants n��chappent pas � la r�gle A quelques encablures de Meissonnier, entre la place du 1er-Mai et la rue Mohamed- Belouizdad, les trottoirs semblent �tre devenus tr�s �troits pour les pi�tons. Ceux-ci pr�f�rent marcher sur la voie consacr�e aux automobilistes, qui maudissent, hurlent, insultent, klaxonnent� � chaque fois qu�ils sont contraints de ralentir � cause d�un pi�ton qui quitte soudainement le trottoir pour marcher sur la chauss�e. A premi�re vue, tous les reproches sont mis sur le compte des pi�tons. Mais tr�s souvent, les causes ne d�pendent pas de leur volont�. Les commer�ants de la rue Mohamed-Belouizdad au m�me titre que ceux des diff�rentes art�res de la capitale, trouvant leurs locaux �troits ou par souci de capter les regards des passants et attirer la client�le, rallongent leur commerce sur les trottoirs et la voie publique pour exposer leur marchandise. Leurs �tals bloquent parfois l�acc�s au niveau d�un trottoir entier, ce qui oblige les pi�tons � empi�ter sur l�espace r�serv� aux automobilistes. Combien co�te un espace dans une rue squatt�e par les revendeurs ? Il est 11h. Hamid un jeune revendeur de fruits et l�gumes dans la ruelle jouxtant le March� Tnach de Belcourt, semble avoir le moral � plat. Le mois de juillet vient d�expirer et c�est aujourd�hui que les �plus forts� du quartier viennent lui r�clamer le loyer de la place qu�il exploite depuis d�j� presque une ann�e. Ce jeune revendeur, la vingtaine, habitant la localit� de Baraki, a d�j� b�n�fici� d�une faveur. D�habitude les �trangers au quartier payent � l�avance. Lui, cette fois-ci, devra, non seulement, payer sa dette du mois de juillet, mais en plus, verser le loyer du mois d�ao�t qui vient de d�buter. �C�est extr�mement difficile d�arrondir ses fins de mois quand nous sommes soumis � de telles conditions, d�autant plus que j�ai deux associ�s et j�ai besoin de m�approvisionner en marchandise pour le mois de Ramadan qui approche�, a-t-il expliqu�. Pour lui, �si les pouvoirs publics ont pr�f�r� fermer les yeux face � ce ph�nom�ne et laisser faire, la loi de la houma, c�est-�-dire du quartier, a pris les choses en main et en a fix� les r�gles�. Ici, si les revendeurs �chappent aux taxes fix�es par l�Etat, ils sont toutefois soumis au racket des faiseurs de lois dans les Houmas (les quartiers). Dans cette rue tr�s fr�quent�e de la commune Mohamed- Belouizdad, chaque m�tre carr� de la voie publique, a son prix et sa valeur. C�est la loi du plus fort et m�me les gens du quartier n�y �chappent pas. Lotfi, un jeune vendeur de vaisselle, habitant le quartier explique : �Ici il ne suffit pas de se lever le matin de bonne heure ou venir le premier pour avoir une place. Chaque m�tre carr� a son propri�taire. Pour installer sa marchandise ou exposer ses produits, il faut s�imposer par la force des bras. C�est ainsi que cet espace public est devenu une propri�t� priv�e de quelques jeunes gens du quartier qui dictent leur loi. Chacun d�eux s�est accapar� une surface pour ensuite la louer � des revendeurs en provenance de diff�rentes r�gions de la capitale (Baraki, Eucalyptus, Larba, Blida�). Les prix sont g�n�ralement fix�s entre 400 et 500 DA la journ�e�. Les locataires sont oblig�s de payer � l�avance une somme g�n�ralement arr�t�e � 15 000 DA, calcul�e sur un tarif de 500 DA la journ�e. Quand � �Ouled El Houma�, c'est-�-dire les voisins ou les fils du quartier, ils ont le privil�ge de payer � la fin du mois, par tranche ou cr�dit, et le tarif est moins �lev�.