La sociologue et membre du Réseau Wassila, Mme Dalila Djerbal, déplore que la mutation de la société algérienne ne soit pas suivie par un changement des textes juridiques. Selon elle, seule l'abrogation du code de la famille et la mise en place de lois civiles et égalitaires pourraient protéger les femmes des discriminations au sein de la famille. Rym Nasri - Alger (Le Soir) - Intervenant hier dimanche, sur les ondes de la Radio Chaîne 3, Mme Dalila Djerbal affirme que l'égalité entre l'homme et la femme, consacrée par la Constitution, n'a jamais été appliquée. «La Constitution a énoncé depuis l'indépendance l'égalité entre les sexes, la femme et l'homme et ce, quelles que soient la couleur de peau et les convictions religieuses, mais nous n'avons jamais vu l'application réelle de cette Constitution», déplore-t-elle. Elle cite ainsi l'exemple des projets de code de la famille qui ,dès les années 1980, octroyaient une place «subalterne» aux femmes au sein de la famille. Pourtant, poursuit-elle, «la loi stipulait que les femmes étaient égales en droits sur le plan de l'emploi et dans l'espace public». Selon elle, même le code de la famille de 2005 n'a pas amélioré le statut de la femme puisque «très peu de choses ont été changées». Outre la suppression du devoir d'obéissance et la détermination de la majorité égale pour l'homme et la femme, «les réformes opérées n'ont rien de fondamental». La preuve : «Le statut de mineur de la femme a été conservé.» C'est ainsi qu'elle a réitéré la revendication d'abroger le code de la famille pour énoncer des lois civiles et égalitaires. «Cela va protéger les femmes de toutes les discriminations qui existent au sein de la famille», dit-elle. Rappelant le long combat mené par les femmes algériennes, Mme Dalila Djerbal précise que les mêmes revendications d'égalité et de droits persistent depuis l'indépendance. «Le 8 mars 1965, les moudjahidate sont sorties dans le rue pour demander l'égalité de l'héritage, la suppression du tuteur, de la polygamie et de la répudiation. Aujourd'hui, la nouvelle génération de femmes est très tonique. Elle s'est imposée dans la rue, les manifestations, les syndicats et dans le monde professionnel. Elle poursuit non seulement les revendications de l'égalité et des droits, mais revendique également un respect dans l'espace public.» Elle affirme que, certes, la société algérienne a profondément changé, mais les textes juridiques n'ont pas suivi. «La société a connu des mutations extraordinaires que les gouvernants et législateurs ne veulent pas voir», déplore-t-elle. Elle évoque, en outre, les «résistances», les «archaïsmes» et les «groupes conservateurs» qui s'opposent à l'égalité et aux droits de la femme. «Ces archaïsmes sont alimentés par certaines chaînes de télévision et des discours religieux. Parfois, il s'agit de vrais appels à la discrimination et à la haine. J'espère qu'un jour, les différentes lois sur les appels à la haine et à la discrimination seront effectivement appliquées», dit-elle. Face à toutes ces «résistances», la sociologue et membre du Réseau Wassila estime que le changement doit être politique, juridique et économique. Selon elle, les femmes sont les plus touchées par la précarité en milieu professionnel. «La moitié des femmes travailleuses sont dans le secteur privé où les salaires sont moindres et les postes de travail précaires. Toute cette précarité donne plus de vulnérabilité et plus d'harcèlement sexuel», explique-t-elle. Elle évoque, par ailleurs, la difficulté de location de logement pour une femme. «Vous ne pouvez pas faire de citoyens de seconde zone et demander à une société de les reconnaître comme des individus à part entière avec l'égalité des droits ! » conclut-elle. Ry. N.