De Paris, Omar Haddadou Cris racistes, jets de bananes sur le bord du terrain, saluts nazis, slogans xénophobes sont autant d'empreintes extrémistes enfiellées qui gangrènent aussi le sport, pourtant porteur de belles valeurs. Les dérapages révoltants échappant, dans un passé récent, à la sanction impartiale, les clubs et les supporters ne sont désormais plus à l'abri de poursuites judiciaires On le croyait immunisé contre la carence du discernement et les excès des supporters décérébrés, le football porte en son sein les métastases de l'ultraracisme « hooliganisé ». En matière d'altérité et de tolérance, l'humanité a encore du chemin à faire. Le propos injurieux et raciste aurait pu être, en Europe comme en Afrique, le propre d'une idéologie moribonde en mal de légitimité, si les survivances n'avaient pas trouvé le bon composte à leur prospérité. Là où la pensée marque le pas, le chauvinisme sectaire irradie de plus belle. Quand Karim Benzema, l'un des meilleurs attaquants au monde, se fait virer (en dépit du soutien de Zidane) comme un malpropre en 2015 de l'équipe de France, et Ribéry, auteur de performances exceptionnelles, converti à l'Islam en 2006, y voir sa candidature retoquée, lui qui disait «j'étais au sommet !», la toile s'est aussitôt enflammée autour d'une seule et unique lecture : le racisme ! Jugé, éconduit, tancé par les médias français, nullement enclins à arrondir les angles, le considérant comme «voyou» à Knysna et «illettré» en interview, le joueur craque et prend sa retraite internationale : «En ne me sélectionnant pas, Deschamps a cédé à une partie raciste de la France.» Il obtient la relaxe, la réputation bien écornée. Pour sa part, Benzema en prendra également plein la gueule avant d'être acquitté dans un procès entaché d'acharnement : «Barre-toi ! Dégage !», le passaient par les armes lexicales les exaltés, au lendemain de sa réponse sur les réseaux sociaux à Noël Le Graët. Le lynchage suscite l'indignation de nombre d'observateurs. «Foutez-lui la paix, les gars ! Il ne vous a rien demandé !» s'indigne un fan du PSG. Dépassant le cadre sportif, les passions se cristallisent en esclandres haineux. Les légendes du Real Madrid et du Bayern de Munich ne porteront plus le maillot de leur équipe nationale. Victime d'un désamour sur fond de persécution discriminatoire, Benzema coupe court, par son efficacité, à l'étroitesse d'esprit de ceux qui font de son cas une fixette :« Je veux qu'on me laisse tranquille !» Souffrant, selon ses propos «du racisme ambiant», le milieu offensif Samir Nasri, en froid à l'époque avec Didier Deschamps, avait, lui aussi, peiné à se faire une place en Bleu. Il ne sera pas retenu 4 ans durant. Idem pour Hatem Benarfa. Apparu pour la première fois en 2007, il connaîtra les affres du «placard» pour ses origines maghrébines, note un magazine de football. La brutalité des onomatopées et des mimiques simiesques Dans le sillage de l'hostilité, la xénophobie n'épargnera pas le Brésilien Dani Alves. En 2014, le défenseur du Barça reçoit une banane sur le bord du terrain. «Cela fait onze ans que je suis en Espagne et depuis onze ans, c'est pareil», confie-t-il à la fin de la rencontre. Le footballeur prendra le temps de déguster le «fruit de l'intolérance» pour tenir tête à ses détracteurs. Geste salué unanimement, notamment par Neymar, qui ripostera en postant une photo en train de savourer une banane, sous la légende «Nous sommes tous des singes !» Et ce n'est que la partie visible de l'iceberg. En 2011, le sensationnel Roberto Carlos, évoluant pour son club russe, est la cible d'un lancer du fruit exotique comme pointe avilissante. Même scénario à Londres à l'encontre du Brésilien Lucas Leiva lors d'un match amical opposant le Brésil à l'Ecosse. Le milieu de terrain dénoncera «l'acte raciste» d'un supporteur présent à l'Emirates Stadium. «Le racisme ne devrait pas avoir place... La couleur de peau ou la race ne veut rien dire, on veut juste qu'il y ait du respect», a déclaré le joueur de Liverpool. Provoquant une vive polémique en 2018, les cris de singe des fans de l'Inter de Milan contre le défenseur sénégalais de Naples avaient donné lieu à des sanctions contre le club, suscitant dans le même temps l'indignation du joueur et sa conviction à afficher sa différence : «Je suis fier de la couleur de ma peau. D'être français, sénégalais, napolitain. D'être un homme.» La saga des envolées ségrégatives embusquées se poursuit aussi avec Daniel Bravo. Consultant sur beIN Sports, il ne fera pas dans la dentelle en manquant de chasser le naturel en live par le vocable choquant «pas mal pour un Noir». Son mea-culpa et sa contrition ne passeront pas. Et ça continue ! Toujours des cris de singe dégradants, lancés pendant deux corners frappés par Ousmane Dembélé lors du match amical contre la Russie à Saint-Pétersbourg. Paul Pogba «y passera» aussi, à chaque toucher du ballon de la même partie. Côté transalpin, le Franco-Marocain Mehdi Benatia de la Juventus cessera brusquement de répondre à une interview de la Rai en entendant des insultes racistes dans l'oreillette. De Zidane en passant par Benzema, Thuram, Henry, Louis Saha, Matuidi et le Camerounais Samuel Eto'o, l'ineptie raciale laissera de vives séquelles et des interrogations. Et quand le politique s'en mêle, les choses ne vont pas s'améliorant. Invité en juillet 2019 sur une chaîne publique, le président de Debout la France (DLF) avait conseillé aux «Jeunes» qui préfèrent l'Algérie et «ne respectent pas la France» de «retourner en Algérie», à quelques heures de la finale de la Coupe d'Afrique des Nations contre le Sénégal. SOS Racisme avait condamné fermement ces propos. Tolérance zéro ? Une chimère... En disséquant la chronologie des dérapages terminologiques, leur résurgence et le laxisme dans l'application des sanctions, une seule question s'impose : faut-il plusieurs cris racistes pour décider d'arrêter le match ? A en croire les résolutions écrites des fédérations, des clubs et des syndicats, la sanction drastique, à tous les niveaux, est le seul outil pour venir à bout de ce fléau. Les supporters d'une équipe, auteurs de comportements racistes, sont responsables de la fermeture complète du stade ainsi qu'une amende pécuniaire. Des mesures punitives s'imposent également pour toute conduite similaire ayant un impact sur le jeu. C'est, vous l'aurez compris, l'aspect théorique. Ironie du texte éclopé, aujourd'hui, c'est le joueur arrosé par les insultes des ultras qui s'expose à une sanction, en quittant le terrain. Cherchez l'erreur ! O. H.