C'est une nouvelle donne qui risque d'ajouter considérablement à l'incertitude ayant cours depuis des années sur le plan de la lutte antiterroriste internationale engagée dans l'instable région allant de la Syrie à l'Irak et à laquelle se sont greffées les contingences induites par le conflit qui déchire une grande partie du territoire libyen un peu plus au nord du territoire de prédilection de l'Etat islamique. Hier, sur son blog qu'abrite le quotidien français Le Monde, Jean-Pierre Filiu, l'historien et spécialiste émérite des questions du monde arabe, a révélé qu'à la tête de Daesh, et contrairement à ce que la propagande djihadiste affirmait, trône un Turkmène répondant au nom de Amir Mohammed Saïd al-Salbi al-Mawla surnommé Abou Ibrahim al-Hashimi al-Quraishi. Après l'élimination d'Abou Bakr al-Baghdadi par l'armée américaine, en octobre de l'année dernière, l'Etat islamique avait intronisé, disait-il, Abou Ibrahim al-Hashimi al-Quraishi, pour se montrer fidèle à l'usage qui veut que l'émir soit arabe et de descendance prophétique. Disconvenir à cette règle établie pourrait s'avérer «embarrassant pour les djihadistes endurcis», explique le spécialiste français. Le nouveau maître de Daesh est né à Tal-Afar, une ville à 70 km de Mossoul et dont sont originaires de nombreux cadres de la police et de l'armée irakiennes de l'époque de Saddam Hussein avant de rejoindre le soulèvement djihadiste après l'invasion américaine de 2003. Celui qui sera le chef de Daesh a été arrêté en 2004 et fera connaissance d'al-Baghdadi dans la prison américaine de Bucca, près du port d'Um-Qasr en Irak. À leur libération, les deux hommes poursuivront leur parcours côte à côte jusqu'à la proclamation de la création de l'Etat islamique en 2014, après la scission d'avec la branche irakienne d'Al-Qaïda. « Abou Omar le Turkmène joue un rôle majeur dans la campagne terroriste de liquidation de la minorité yézidie, par les massacres, l'expulsion et l'esclavage sexuel», affirme Jean-Pierre Filiu qui nous apprend également que «les coups portés à Daesh favorisent sa promotion jusqu'au premier cercle de l'organisation», puis son intronisation gardée secrète à la tête de ce qui subsiste de l'organisation terroriste. Une «accession» de prétendu calife qui, comme le note le spécialiste français, rompt avec trois décennies d'une «règle» qui voulait que la direction des groupes terroristes à vocation internationale soit assurée par un Arabe, depuis Ben Laden jusqu'à Baghdadi en passant par leurs semblables à la tête d'Al-Qaïda notamment. Filiu affirme que Daesh « a nié une telle rupture en inventant la fable d'une ascendance prophétique de son nouveau leader ». M. Azedine