L'industrie pharmaceutique a fait l'objet, pour la première fois, de la création d'un ministère dédié, dont la gestion a été confiée au Dr Lotfi Benbahmed qui ambitionne de réduire les entraves au développement de ce segment stratégique de l'économie par le biais d'un plan d'action soumis déjà au Conseil des ministres et «permettant à l'industrie pharmaceutique d'être un secteur créateur de richesses et porteur de valeur ajoutée qui pourrait prendre en charge la santé publique dans notre pays», a-t-il précisé, «et, pourquoi pas? faire de l'Algérie un hub international pharmaceutique dans la région et le continent», tient-il à ajouter. Invité à la deuxième édition du LSA direct, le Dr Benbahmed a abordé d'emblée la complexe équation de la disponibilité des médicaments représentant près de 3 500 références en Algérie, dont 2 500 sont fabriqués localement. Le ministre de l'Industrie pharmaceutique fera savoir que «la production nationale a atteint aujourd'hui 52% en valeur, soit près de 2 milliards d'euros». Insistant sur l'ambition de notre pays à couvrir 70% de ses besoins en médicaments à partir de la production locale, et ce, dans 2 ans, le Dr Benbahmed précisera, par la même occasion, qu'un arbitrage s'impose entre «la promotion de la production locale, l'importation, la traçabilité du produit et de la responsabilité pharmaceutique». Tous ces mécanismes ont un impact sur la disponibilité et sur l'accessibilité, mais avec la rationalisation qui sera mise en place par le biais de schémas thérapeutiques et la définition de la liste des médicaments essentiels. 50% des produits achetés par la PCH se font auprès de monofournisseurs Y a-t-il une mafia du médicament ? Pour le nouveau ministre de l'Industrie pharmaceutique, il s'agit «d'intérêts réels de personnes qui passent des contrats, ou même de pays étrangers qui ne veulent pas voir l'Algérie se développer» et c'est la désorganisation du secteur qui crée des intérêts très forts, selon ses termes. L'exemple est donné par la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH). «On a découvert que près de 50% des produits étaient achetés chez des monofournisseurs», a-t-il révélé, poursuivant : «29 produits à eux seuls nous coûtent 66 milliards de dinars», alors que si «on avait accéléré l'enregistrement de certains produits concurrents, on aurait économisé près de 30%». Le problème ne réside pas dans la maîtrise technologique, mais dans les démarches administratives et, notamment, celle de l'enregistrement des médicaments, selon ses explications. Blocage des producteurs nationaux depuis 2017 Avec le défi d'atteindre les 70% de couverture en produits nationaux dans 2 ans, le Dr Benbahmed n'omettra pas d'évoquer la situation de stagnation dans la production nationale depuis 2017. Plusieurs producteurs nationaux qui se sont lancés dans la production de molécules innovantes se sont heurtés à un blocage administratif inexpliqué. Il est à préciser que 29 unités de production sont bloquées par des décisions administratives, par un retard d'enregistrement ou un retard dans l'analyse des prix, au Comité économique. Selon le ministre, «j'ai réussi à enlever depuis quelques jours certains verrous et je suis heureux que je puisse agir maintenant librement grâce au nouveau ministère, car certains problèmes ne pouvaient être pris en charge par le ministère délégué», estimant qu'il faudrait mettre en place le cadre réglementaire qui correspond en urgence, vu que celui qui existe n'incite pas à l'investissement productif. L'Agence du médicament sera-t-elle sous l'autorité du ministère de l'Industrie pharmaceutique ? L'Agence nationale du médicament est une institution qui existait depuis 2008, mais qui avait des moyens très réduits. Actuellement, elle est dotée de moyens qui lui permettent de jouer pleinement son rôle. «Nous avons également élaboré des textes réglementaires pour permettre l'enregistrement des produits pharmaceutiques dans des conditions optimales» et ça serait donc logique si cette agence soit mise sous la tutelle du nouveau ministère, selon l'invité. Le complément alimentaire n'est pas un médicament «Il y a un vide juridique qu'il faudrait combler en urgence et surtout arrêter les publicités mensongères», a affirmé le ministre, qui met en garde contre l'utilisation «de certains compléments alimentaires qui ne sont pas contrôlés». Ces produits connaissaient une large commercialisation à travers les différentes régions du pays». Mais les plus dangereux sont, de toute évidence, les produits vendus par certains herboristes autoproclamés, motivés uniquement par le gain, et que des malades désespérés sollicitent, pensant à des remèdes miracles. La lourde facture de l'oncologie Pour ce qui est du manque de médicaments d'oncologie, le ministre, tout en déplorant cette situation, précise «qu'elle n'est pas due au manque de moyens déployés par l'Etat», en se référant à la facture d'importation de produits d'oncologie qui équivaut le marché global de certains pays voisins. «Une grande partie de la facture de médicaments de la Pharmacie des hôpitaux est consacrée à l'oncologie», fera-t-il savoir. Et de poursuivre : «Le problème réside dans la rationalisation des moyens et la mise en place réelle d'un cadre légal dans la transparence, sans oublier la numérisation», appelant à laisser les producteurs locaux produire des médicaments anti-cancéreux et faciliter l'enregistrement des bio-similaires. Le marché national du médicament est estimé à quatre milliards dollars/an. Deux milliards de dollars en importation, dont 600 millions sont des médicaments destinés à la lutte contre le cancer et 400 millions représentent les importations de l'insuline pour les diabétiques. Ilhem Tir