Une incroyable marée humaine se forme devant des bureaux de poste et ça dure depuis des semaines. A l'approche de l'échéance de paiement réservée aux retraités, les gens se lèvent à quatre heures du matin pour faire la chaîne devant des bureaux de poste, en espérant être parmi les premiers pour retirer leur maigre pension. Contrairement aux dires d'un ministre sur le manque de liquidités, affirmant que cela est dû à l'approche de l'Aïd el-Adha, un vieux retraité déclare : «Comment peut-on s'offrir un mouton avec un revenu de 25 000 dinars ? Je dois juste régler la facture de la Sonelgaz et les dettes contractées auprès de l'épicier du quartier, cela fait une semaine que je me rends à l'agence postale, la plus proche de mon lieu de résidence, tout juste après la prière d'el fadjr, et c'est toujours la même réponse, il n'y a pas d'argent.» Dans une autre poste de banlieue où généralement tous les retraités se connaissent, c'est le même scénario, certains sont très âgés, malades et ils viennent tous les jours s'inscrire sur la liste, qui sera remise au chef d'agence. Ce dernier, après avoir consulté sa hiérarchie, leur annonce la mauvaise nouvelle : il n'y a pas d'argent, messieurs, lance-t-il sur un ton de désolation. Selon un confrère à la retraite, il y a parmi ces gens-là qui ne rentrent pas chez eux ; ils passent la nuit à la belle étoile, près des postes, ils sont hébergés par le voisinage, car ils n'ont pas les moyens de rentrer chez eux, certains viennent de loin, car dans les bureaux de poste de proximité, la crise date depuis bien longtemps déjà. D'autres n'hésitent pas à se déplacer dans d'autres régions comme Aïn Ghoraba à El Kihal ; il faut le faire, c'est à plus de 90 km. Dans une poste de banlieue, un vieux retraité, qui avait l'habitude de faire la chaîne tous les jours avec ses amis, n'a pas donné signe de vie au quatrième jour consécutif, pour s'inscrire sur cette fameuse liste. Ce jour-là, quelques chanceux ont pu être payés, il y avait un peu de liquidités, mais pas pour tout le monde. Le vieux Youcef avait un compagnon d'infortune. Ne le voyant pas arriver, il est allé lui rendre visite ; en voyant des gens assis sur des chaises près de son domicile, il a compris pourquoi si Youcef n'est pas venu encaisser sa modeste pension. Après avoir passé des jours à faire la queue, parfois sous un soleil de plomb, aâmmi Youcef, fatigué, est parti à l'aube, sans réveiller personne. Sa femme est allée le réveiller au premier appel de la prière du sobh : il ne répondit pas : il dormait du sommeil... du juste. Il ne sera plus au milieu de cette chaîne humiliante. M. Zenasni