Pour l�ancien ministre malien de la D�fense, Soumeylou Boubeye Maiga, Al Qa�da au Maghreb islamique (Aqmi) constitue, incontestablement, un risque strat�gique �minent pour tous les pays autour du Sahel. L�Alg�rie, qui a export� ce terrorisme par le biais du GSPC, lequel terrorisme garde encore une importante capacit� de nuisance et ses racines dans le maquis alg�rien, est la plus menac�e. Cette menace est en outre exacerb�e par le manque �vident d�anticipation et de vision claire sur les voies et moyens, surtout politiques, � d�ployer pour faire face � ce nouveau danger qui viendra du Sud. L�activisme en sourdine de certaines puissances �conomiques et militaires contribuera, il faut malheureusement le craindre, � empoisonner le climat politique dans la r�gion du Sahel. Ces puissances convoitent, en effet, tr�s fortement les grandes richesses que rec�lerait la r�gion sah�lienne qui regroupe plusieurs pays. �A bien regarder la carte g�ographique du monde, apr�s l�Afghanistan, l�Irak et � un degr� moindre une partie de l�oc�an Indien, le Sahel est la plus grande zone g�ographique de non-droit au monde. Elle s��tend de la Mauritanie au Tchad. Dans cette r�gion, il n�y a pratiquement pas de pr�sence �tatique efficace�, r�v�le l�ancien ministre malien devant les cadres de la R�publique arabe sahraouie d�mocratique qui organisent une universit� d��t� � Boumerd�s. Les cadres sahraouis �tudiaient justement, durant la journ�e du mercredi, le th�me portant sur �le traitement du terrorisme transnational par la communaut� internationale �. Poursuivant son diagnostic de cette r�gion, l�ancien homme d�Etat malien affirme que la souverainet� des Etats limitrophes du Sahel est toute relative, voire nulle dans une partie de leurs territoires respectifs. Et l�ancien ministre sait de quoi il parle. Il est convaincu que le GSPC, n� de la scission des GIA, n�est que la t�te de pont d�Al Qa�da dans la r�gion. A l��couter, la cr�ation de ce mouvement arm� r�pondait en 1998 � une d�marche strat�gique d�Oussama Ben Laden. Cette strat�gie consistait pour le chef des terroristes salafistes � se pr�parer en vue de l�implantation de sa mouvance dans une r�gion d�sertique immense, comme le sont ses probl�mes. La mutation s�est effectu�e en 2007 avec la marginalisation de Hassan Hattab qui n�avait pas accept� de travailler sous les ordres de quelqu�un d�autre et l�int�gration du GSPC � l�organisation de Ben Laden. La cr�ation de l�Aqmi consacre l�exclusion d�finitive de Hattab des plans de Ben Laden. �Le Sahel est la base logistique de l�AQMI pour l�ensemble de la r�gion. C'est-�-dire sa base pour le recrutement, la formation, la pr�paration ; plus important, c�est un point de ralliement pour les diff�rents groupes islamistes. Le Sahel est un point de d�part de menace pour l�ensemble des pays de la r�gion�, estime le conf�rencier qui constate, par ailleurs, qu�Al Qa�da au Maghreb islamique a choisi le c�ur de la terre musulmane majoritaire en Afrique, c'est-�-dire � l�interaction de l�Afrique du Nord et de celle situ�e au sud du Sahara, pour se red�ployer. Pour preuve, il �num�re les r�cents attentats qui ont touch� l�Alg�rie, o� ont �t� assassin�s 10 gardes fronti�res (GF), les attaques au Niger, en Mauritanie et jusqu�au nord du Nigeria. Ces incursions ont �t� l��uvre d�un noyau install� au nord du Mali. �A partir des points d�incrustation, l�AQMI devient une menace strat�gique � la fois pour les Etats de mani�re �vidente mais �galement pour les soci�t�s au sein desquelles l�organisation terroriste r�cup�re toutes les angoisses existentielles et devient aussi le principal facteur de protestation et de lutte dans les pays o� les structures classiques comme les partis politiques, les syndicats et la soci�t� civile de mani�re g�n�rale sont en recul�, constate Maiga. Sur ce volet de la lutte politique contre le terrorisme et sa matrice id�ologique l�islamisme, la d�sastreuse exp�rience alg�rienne qui s�est r�v�l�e de fa�on effarante � l�opinion singuli�rement depuis le d�but des ann�es 2000 fait d�j� �cole. Et pour cause, le r�gime refuse de s�ouvrir sur la soci�t�. Il marginalise et r�prime ses �l�ments les plus repr�sentatifs et cr�dibles pouvant l�aider � mobiliser davantage la population contre les terroristes. R�sultat, la dur�e de vie du terrorisme et les drames qui s�en suivirent furent prolong� d�une dizaine d�ann�es. C�est la sentence rendue par beaucoup de Patriotes. Pire, le gouvernement accorde des concessions politiques aux islamistes qui pensent que ces concessions ne sont que le r�sultat de leur activisme. Pour eux, le r�gime qui conc�de le terrain politique est faible. Ils pensent par cons�quent que la prise de pouvoir totale est in�luctable. Le r�gime adopte ainsi une d�marche aussi inutile que dangereuse pour le pays. Plus grave, le refus de d�battre sur la question s�curitaire dans le pays �rode inexorablement le capital sympathie acquis au prix d��normes sacrifices par les services de s�curit� durant leur lutte contre les groupes islamistes arm�s. Tr�sor de guerre et financement de l�Europe Selon l�ancien ministre malien, au minimum, 50 tonnes d�h�ro�ne venant d�Am�rique du Sud transitent annuellement par des pays du grand d�sert nord-africain o� de plus se pratiquent le trafic d�armes et d�humains, le racket et les rapts. �Les enl�vements ont rapport� aux terroristes entre 15 et 20 millions d�euros�, dit Maiga. Il y a lieu d�inclure des revenus provenant d�autres activit�s criminelles. C�est dire que les capacit�s financi�res dont disposent les partisans de Ben Laden diss�min�s dans les pays du Sahel sont tr�s importantes. A ce propos, il y a lieu de relever l�hypocrisie des pays europ�ens qui, insidieusement, financent le terrorisme et fournissent un tr�sor de guerre � l�AQMI. Ils le font par le truchement des versements des ran�ons exig�es contre la lib�ration des otages. Ces personnes enlev�es circulaient dans la zone, pour les unes pour des obligations professionnelles et pour d�autres des convictions humanitaires les motivaient mais par contre, un grand nombre d�entre elles le faisaient sans motif probant. En outre, elles connaissaient parfaitement les risques encourus, dans des zones reconnues comme dangereuses. Certaines victimes se sont r�v�l�es apr�s leur lib�ration qu�elles �taient tout simplement des agents des services secrets europ�ens. Ing�rence M. Maiga craint le pourrissement de la situation dans le Sahel. Il ne le cache pas : �L�on a vu r�cemment avec l�op�ration conjointe des forces mauritaniennes et fran�aises sur le territoire malien. En cons�quence si chaque gouvernement ne devient pas le principal responsable de la s�curit� de son territoire, tous ceux qui consid�rent que leur s�curit�, � tort ou � raison, est menac�e � partir du Sahel vont se donner le droit d�intervenir directement.� Les craintes de Maiga sont motiv�es par des informations qui circulent dans les milieux initi�s et que lui m�me confirme : le corridor compris entre la Mauritanie � l�ouest, le Tchad � l�est regorge de mati�res premi�res � fort le valeur ajout�e. Il est question de gaz, de p�trole, d�or, d�uranium et d�autres min�raux. Am�ricains, Europ�ens, France en t�te, Chinois, Indiens jouent une partie tr�s serr�e autour du Sahel. Apparemment, certains dirigeants africains n�ont pas retenu l�exp�rience dramatique de l�Irak et de l�Afghanistan. Des informations indiquent en cons�quence qu�ils sont tent�s par des alliances, pour l�heure secr�tes, avec des puissances occidentales � des fins rest�es opaques. C�est connu, les Etats faibles, d�pendants, en grande partie, du soutien occidental en mati�re d�armement et d�informations s�curitaires ne sont pas en mesure de n�gocier en position de force et de mani�re �quitable des contrats relatifs � l�exploitation des richesses de soussols de leurs pays. Etrangement, la presse europ�enne, qui est pourtant tr�s bien aliment�e en informations par les responsables, civils, militaires et s�curitaires de la r�gion, ce que les derniers ne font pas avec les journalistes autochtones, s�abstient de regarder l�instabilit� de la r�gion sah�lienne sous cet aspect. Laxisme d�Etat ? Face � la menace que constituent les phalanges du mouvement arm� de Abdelmalek Droukdel dans la r�gion, l�ancien ministre malien pense que l�engagement des Etats concern�s reste � faire. �Face � cette situation critique, l�engagement des Etats est in�gal. Tous les �tats de la r�gion n�ont pas la m�me attitude, n�ont pas la m�me r�ponse pour contrer cette menace �, explique-t-il. D�s lors, l�observateur ne peut qu�en �tre inqui�t� : les responsables politiques sont-ils ligot�s par leurs int�r�ts politiciens ? Sont-ils impuissants, voire incomp�tents, pour r�soudre les probl�mes politiques � l�int�rieur de leur territoire ? Pour Maiga, les gouvernants doivent tirer leur l�gitimit� politique dans la mise en place de moyens de lutte efficace contre le terrorisme. �L�engagement de chaque Etat doit consid�rer l�enjeu s�curitaire comme un imp�ratif prioritaire de gouvernance, de d�veloppement et m�me de l�gitimit� tout simplement de son droit de gouvernance. Cela suppose que l�ensemble du d�membrement de l�appareil de l�Etat notamment les appareils militaires, s�curitaires et judiciaires doivent �tre mobilis�s dans la lutte contre le terrorisme�, dira-t-il en laissant entendre que des r�formes et des mises � niveau de ces appareils sont plus que n�cessaires. Toute d�faillance dans la coh�rence des politiques de lutte des pays engag�s contre le terrorisme laissera le champ libre � des acteurs �trangers pour intervenir � des fins d�instrumentalisation de l�islamisme et de son bras arm� le terrorisme, avec le risque de radicalisation dans la r�gion. Pour lui, les Etats sont somm�s de signer un pacte de coop�ration sans ambigu�t� et surtout de mettre � contribution le soutien des opinions publiques dans la lutte anti-terroriste. L�Europe n�est pas � l�abri Le harc�lement des services de s�curit� alg�riens a port� des coups tr�s s�v�res � AQMI qui �cumait les maquis du Tell. Cette contre-guerria a port� ses fruits amputant grandement les capacit�s de nuisance de la faction djihadiste en Alg�rie. De plus, elle s�est engouffr�e dans une impasse politique. En Alg�rie, AQMI est effectivement affaiblie. Les chefs terroristes vont certainement prendre du recul et l�Alg�rie vivra une accalmie, mais tr�s relative. Cependant, ce mouvement insurrectionnel qui s�est largement incrust� dans les r�seaux maffieux prendra probablement le temps n�cessaire pour se r�organiser et se red�ployer � partir du Sahel o�, a priori, il a plus de facilit�s. Les ��mirs� des phalanges du sud ne manqueront pas d�exploiter l�absence des structures �tatiques, la situation de mis�re des populations locales, les divergences politiques et les conflits �thiques pour recruter et installer de nouvelles bases. Ils assoiront leur contr�le des r�seaux de trafic et en cr�eront d�autres, vers l�Europe notamment. Sur place, en Europe, les jeunes marginaux des banlieues des grandes agglom�rations, qui vivent tr�s mal la crise identitaire et qui subissent la crise �conomique, seront des proies faciles pour les recruteurs d�AQMI. D�s lors, la tentation de porter une autre fois le djihad dans le Vieux Continent sera grande. Hassan Hattab, avec des moyens moindres, a bien r�ussi � �branler, en 1995, les pays europ�ens, particuli�rement la France. Pr�sentement, la strat�gie d�Al-Qa�da est mieux �toff�e et les moyens financiers dont disposent les chefs terroristes sont plus importants. Les ��mirs�, qui re�oivent les orientations � partir de la centrale de Ben Laden, pour qui l�Occident est l�ennemi num�ro un, partiront s�rement du principe que si des groupes humains � les �migrants clandestins � qui partent de l�Afrique subsaharienne, avec toutes les difficult�s en cours de route et le peu d�argent, arrivent sur les rives du sud de l�Europe, un syst�me logistique fortement soutenu par de grands moyens financiers accomplira des performances. Ils ne manqueront pas de d�duire que des armes, des explosifs et des terroristes seront donc transf�rables vers le Nord. Il n�est pas exclu qu�� moyen terme que des attentats soient planifi�s. La tentation sera grande d�autant plus que dans le Vieux Continent, l�impact politique et m�diatique d�coulant d�une attaque est plus important. Les m�dias nordiques sont friands de ce genre d��v�nements sanguinaires.