De Tunis, Mohamed Kettou Le nouveau gouvernement tunisien a été annoncé lundi, tard dans la soirée, quelques heures seulement avant l'expiration du délai fixé par la Constitution. Le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, a donné lecture de la liste qui comprend 27 ministres et secrétaires d'Etat, dont sept femmes. Hichem Mechichi avait été choisi par le Président Kaïs Saïed, le 26 juillet, pour former un gouvernement, en remplacement de celui de Elyes Fakhfakh, démissionnaire pour «conflit d'intérêts». Ce gouvernement se distingue des précédents par la réduction des portefeuilles confiés à des personnalités sans aucun lien avec les partis politiques. C'était la décision prise par Mechichi de n'y associer aucun parti, malgré l'insistance de ces derniers de s'y retrouver. Autre singularité de ce gouvernement : l'entrée d'un non-voyant, Walid Zidi, docteur en lettres, comme ministre des Affaires culturelles. Les Tunisiens, qui attendaient avec impatience la naissance de ce gouvernement, ont hâte de voir le pays retrouver une stabilité gouvernementale qui lui fait défaut depuis bientôt une année. C'est-à-dire depuis les dernières élections législatives et le retrait de confiance au gouvernement Jemli. Certes, Elyes Fakhfakh est parvenu à obtenir cette confiance. Mais la découverte d'une affaire de «conflit d'intérêts» l'a poussé à la sortie par la petite porte. Sans attendre de le voir passer au Parlement, tout le monde est, aujourd'hui, au fait de son programme. Il s'agira de freiner l'hémorragie des finances publiques, de conserver les acquis du secteur public et des entreprises publiques, d'améliorer le climat de l'investissement et de rétablir la confiance entre l'Etat et les investisseurs. Il y a lieu, également, de faire face à la détérioration du pouvoir d'achat, de maîtriser les prix, de venir en soutien aux catégories vulnérables, de concrétiser le principe de la discrimination positive et de faire prévaloir la primauté de la loi. S'il a opté pour la formule d'un gouvernement de technocrates indépendants, Mechichi y a été amené par l'impossibilité, selon lui, de réunir dans un même cabinet des personnalités aux affinités politiques diverses. Aussi, le mieux aurait-il été pour lui de s'éloigner des partis politiques pour former une équipe de technocrates animés par la «volonté de servir loyalement la patrie». Cependant, aurait-il les coudées franches ? Difficile à imaginer rien qu'en se fondant sur les réactions de députés désireux de voir siéger au gouvernement certains des leurs. Quelle que soit la couleur du gouvernement, Mechichi est, quasiment, sûr d'obtenir la confiance de l'Assemblée des représentants du peuple, les députés craignant la dissolution du Parlement en cas de rejet de l'équipe de Mechichi. Ce serait l'occasion idéale dont profiterait le chef de l'Etat pour «lancer ses missiles» contre les députés et provoquer des législatives anticipées. Mais, les députés ont en main d'autres atouts. Tout en accordant à Mechichi la confiance requise, ils pourront bloquer tout projet de loi qui requiert leur accord. Maintenant que tout est dévoilé, qu'attend Mechichi pour former son gouvernement, sachant que dans cette optique, il est assuré du soutien présidentiel et populaire ? Et surtout, comment expliquer son recours à un deuxième round de consultations avec les partis politiques ? Ces derniers, si l'on excepte les petits parmi eux, ont, déjà, réagi négativement à sa démarche d'exclusion et n'entendent pas y adhérer, au risque de perdre leurs privilèges accumulés depuis leur création, soit depuis 2011. À quand la sortie du tunnel pour la Tunisie ? Bon nombre de politiciens la voient à travers un changement du système. Celui parlementaire ne sied pas aux Tunisiens qui lui préfèrent un régime présidentiel. Non dictatorial, bien sûr ! M. K.