De Tunis, Mohamed Kettou Accrochés toute la journée du lundi à la radio ou à la télévision dans l'attente de l'annonce de l'identité du nouveau chef du gouvernement, les citoyens tunisiens n'ont été satisfaits qu'à moitié. Cette annonce a été faite, mais tard dans la soirée, par le palais de Carthage qui a fait durer le suspense sans répondre aux attentes. En effet, le choix du Président Kaïs Saïed est tombé sur M. Lyes Fakhfakh, soutenu par deux partis politiques siégeant en minorité au Parlement. Le nouveau chef du gouvernement était parmi un trio reçu ces derniers jours par le président de la République dans des séances ressemblant à des examens oraux, avant de faire son choix et de confier la primature, à la surprise générale, à M. Fakhfakh. Ingénieur de formation et se voulant «social-démocrate», celui-ci, âgé de 48 ans ,n'a fait son entrée dans la politique qu'après le départ de Ben Ali en 2011, par le biais du parti Attakattoul de Mustapha Ben Jaâfer, président de la Constituante. Entre 2011 et 2014, il a été ministre du Tourisme d'abord et des Finances, ensuite, dans les gouvernements des islamistes Hamadi Ben Ali et Ali Larayedh. Dès l'annonce de cette désignation, les principaux partis politiques (Qalb Tounès et Ennahdha en particulier) ont manifesté leur opposition à cette nomination qui «ne ferait que perdurer» la crise. En effet, depuis trois mois, le pays est dirigé par un gouvernement chargé des affaires courantes, sans possibilité de prendre des mesures engageant l'avenir. C'est tout simplement un blocage dont la Tunisie est en droit de faire l'économie. Aujourd'hui, le fait est là et l'article 89 de la Constitution accorde un délai d'un mois (renouvelable une fois) au nouveau chef du gouvernement pour former son équipe et tenter de gagner la confiance du Parlement. En cas de rejet, il ira rejoindre son malheureux prédécesseur Habib Jemli aux oubliettes, et exposera le pays à une crise sans précédent. Le président de la République procédera alors à la dissolution du Parlement et de nouvelles législatives seront organisées dans un délai allant de 45 à 90 jours. Cependant, il y a fort à parier, estiment les observateurs, que ce scénario soit évité par les députés. Ceux-ci finiront par accorder leur confiance au gouvernement pour ne pas risquer la perte de leur députation en cas d'un nouveau scrutin. Ironie du sort et en cas de succès au Parlement, M. Fakhfakh, classé 16e à l'élection présidentielle, aura plus de pouvoir que Kaïs Saïed, élevé à la magistrature suprême avec plus de 70% des voix. M. K.