Les révélations de l'ancien député de la wilaya d'Annaba, Baha Eddine Tliba, relatives au marchandage des listes électorales du parti FLN lors des élections législatives de 2017 et l'achat des places dans les listes à 7 milliards de centimes, ont fait l'effet d'une bombe. Des partis politiques, des militants et organisations de la société civile estiment que ces révélations qui constituaient déjà des soupçons, doivent mener à la dissolution du Parlement. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Alors qu'elle s'apprête à adopter le projet de la révision de la Constitution, l'Assemblée populaire nationale (APN), est éclaboussée par les révélations de deux anciens pontes du parti FLN, actuellement en détention pour des faits de corruption. Il s'agit de l'ancien député d'Annaba, Baha Eddine Tliba qui a avoué, mercredi lors de son procès, que les places dans les listes électorales étaient «vendues» à hauteur de 7 milliards de centimes et de l'ancien secrétaire général du parti qui a reconnu que ces listes ont été élaborées par Abdelmalek Sellal, Noureddine Bedoui et Tayeb Louh, respectivement Premier ministre, ministre de l'Intérieur et ministre de la Justice lors des faits, soit par les trois hommes qui étaient chargés d'organiser les élections. Ces aveux qui ont discrédité davantage l'APN dont la dissolution est une exigence du mouvement populaire du 22 février ont fait revenir les partisans de la dissolution parmi les partis de l'opposition et les organisations de la société civile, dont les voix se sont faites entendre depuis mercredi, jour de procès de Tliba. Pour Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH), «la sortie de Tliba implique la dissolution de l'APN». À ses yeux, cette option est déjà dans l'agenda du pouvoir, mais la question qui reste posée est celle relative au timing de sa mise en œuvre. Le RCD, par la voix de son porte-parole Atmane Mazouz, a appelé à un processus constituant «qui doit passer impérativement par la dissolution des Assemblées croupion, mais aussi par le départ de la façade civile du pouvoir imposée contre la volonté populaire «S'agissant des déclarations de Tliba à propos des sièges de députés du FLN qui sont le fruit de la corruption, ceci n'est pas nouveau et nous l'avons dénoncé à maintes reprises. Ces pratiques ne peuvent avoir de solutions qu'à travers une justice indépendante et libre. Et ce n'est pas avec une justice soumise et aux ordres que nous pouvons espérer des enquêtes pour confirmer tout un système frauduleux sur lequel est construit tout l'édifice institutionnel du pays», nous-a-t-il déclaré. Tirer les leçons... Pour sa part, le FFS a estimé que «ce qu'a révélé Tliba confirme et atteste fortement ce qu'a toujours dénoncé le FFS depuis des années, c'est-à-dire le caractère illégitime et factice de ces deux Chambres d'enregistrement qui constituent les deux béquilles institutionnelles du régime en place depuis toujours. Aujourd'hui, le pouvoir préfère continuer à narguer la véritable source de légitimité (le peuple), et préfère s'agripper à ses Assemblées illégitimes et impopulaires pour imprimer un énième passage en force pour imposer sa nouvelle Constitution. Autant de temps perdu pour aggraver la crise et perpétuer la sinistre tradition de l'échec», a regretté Hakim Belahcel, membre de l'Instance présidentielle du parti dans une déclaration au Soir d'Algérie. Appelant le pouvoir à tirer les leçons des échecs du passé, notre interlocuteur avertit que «tourner le dos au peuple et à ses aspirations légitimes, c'est encourager la défiance des citoyens à l'égard de l'Etat et de ses institutions». Le Parti des travailleurs (PT) a soutenu, pour sa part, que le procès de Tliba a révélé au grand public les pratiques de corruption qui ont toujours sévi dans les partis du pouvoir depuis des années. «Mais en réalité, cela équivaut à défoncer des portes ouvertes, car ces dernières années, les oligarques et autres maffieux ne cachaient plus leurs activités. Les listes, le classement dans les listes électorales se monnayaient à coups de milliards, sous le regard et la complicité de responsables à tous les niveaux», a souligné le PT dans un communiqué, affirmant que le système a toujours empêché les Algériens de choisir librement leurs représentants. Pour le PT, «en l'absence d'un changement véritable, de la démocratie, de la justice, de la liberté de presse, il n'y a aucune chance d'éviter que ce phénomène de décomposition politique qui s'est installé depuis des décennies, se perpétue». Pour sa part, le président du MSP, Abderrazak Makri, a affirmé que Tliba n'a rien apporté de nouveau, mais il a juste dit ce qui était caché, même si les gens le savaient. De son côté, le président du Front du militantisme national (FMN), Abdellah Heddad, a appelé à la dissolution de l'APN suite aux affirmations de Tliba, estimant nécessaire le jugement des responsables de l'illégitimité du Parlement afin de «redonner la légitimité aux institutions de l'Etat». Selon lui, «ce scandale ne condamne pas uniquement le parlement, mais tout l'Etat avec ses institutions», puisque, a-t-il expliqué, «les deux partis du pouvoir, les ministres de l'Intérieur et de la Justice, ainsi que tout le gouvernement, les walis et l'administration, les différents corps de sécurité étaient impliqués dans la fraude électorale et la fabrication des fausses majorité». Mettre fin à la fraude exige la volonté politique et une véritable transition démocratique, selon le président du MSP. Pendant ce temps, les deux partis majoritaires, le FLN et le RND qui ont exprimé leur soutien au projet de révision constitutionnelle avant de prendre connaissance de son contenu, ont affiché leur opposition à toute dissolution de l'APN. K. A.