Le verdict dans le procès en appel du journaliste Khaled Drareni arrêté en plein exercice de son métier est tombé dans la matinée d'hier au niveau de la cour d'Alger. Il est condamné à deux ans de prison ferme. La décision du juge a scandalisé et choqué les avocats et journalistes présents sur place. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Les journalistes et les avocats présents, hier matin, à la cour d'Alger, où était attendu le verdict dans le procès du journaliste Khaled Drareni, avaient du mal à croire à la lourde peine infligée au fondateur du journal électronique Casbah Tribune. Et ils ne trouvaient pas les mots pour qualifier une décision qui a dissipé tous les espoirs entretenus jusqu'à hier matin quant à une éventuelle libération du journaliste. Certains se sont même déplacés à la prison de Koléa où il est détenu depuis près de six mois pour l'accueillir. Mais la déception était indescriptible au prononcé du verdict : deux ans de prison ferme, alors que les deux autres activistes Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche poursuivis dans le cas de la même affaire pour « incitation à attroupement non armé » avec abandon, en ce qui concerne ces deux derniers, du chef d'inculpation d'« atteinte à l'unité nationale », ont écopé de quatre mois de prison ferme. Une peine inférieure à celle prononcée en première instance par le tribunal de Sidi-M'hamed (trois ans de prison ferme) et au réquisitoire du procureur de la cour d'Alger (quatre ans de prison). Pourtant, dès les premières heures de la matinée, les journalistes venus couvrir l'annonce du verdict ou apporter leur soutien à leur confrère ont compris que quelque chose n'allait pas bien dans les alentours de la cour. Un dispositif sécuritaire des plus importants a été déployé autour de l'édifice. Des citoyens venus observer un rassemblement de soutien au journaliste ont été empêchés de s'approcher de l'édifice. Plusieurs citoyens, dont des étudiants, ont été empêchés de sortir du parking à proximité du tribunal et ont été priés de quitter les lieux. À l'intérieur de la salle d'audience, au prononcé du verdict, les journalistes et quelques activistes ont fait vibrer la salle en lançant des slogans dénonçant « la décision arbitraire du juge » et « la justice du téléphone ». Ils ont été repoussés, non sans violence, à l'extérieur puis « chassés » de la cour par un dispositif sécuritaire qui les a repoussés jusqu'à l'immeuble abritant les locaux de l'Entreprise du Métro d'Alger à Ruisseau. La condamnation de Drareni a provoqué une avalanche de condamnations et de consternation au sein de la défense qui a annoncé sa décision de faire appel, de la classe politique et des organisations de la société civile, alors que les journalistes ont évoqué « une journée de deuil » pour la presse nationale. Pour l'avocat Abdelghani Badi, « cette décision est choquante ». « Nous avons prouvé à la cour que Khaled Drareni n'a commis aucun délit, n'a pas incité à attroupement et n'a pas porté atteinte à l'unité nationale. On ne peut pas garantir la liberté de la presse avec de telles décisions. Aujourd'hui, nous sommes tous en danger. La presse, la défense, les libertés et les Algériens sont en danger », a-t-il lancé. Indignés par cette décision, plusieurs partis politiques et organisations de la société civile ont dénoncé la condamnation de Khaled Drareni à deux ans de prison ferme. Le président de l'association RAJ, Abdelouahab Fersaoui, s'est dit « scandalisé » par le verdict injuste, estimant que « les acquis démocratiques sont menacés » au moment où le vice-président de la Laddh, Saïd Salhi, considère que le journaliste « est sacrifié en exemple pour faire taire les voix libres et discordantes ». Le président du RCD, Mohcine Belabbas, a affirmé que « le verdict confirme la régression générale des libertés et la criminalisation de l'exercice de la citoyenneté consacrée par la Constitution en vigueur ». Quant au PT, il dit partager la stupéfaction provoquée par la lourde condamnation du journaliste, estimant que rien ne peut justifier son incarcération qui est en relation avec son activité professionnelle. K. A.