Se focaliser sur le seul Maroc, c'est oublier que ses relations avec Israël, datant de 1995, étaient plus ou moins gelées. En les rétablissant, Rabat n'a fait que s'inscrire dans cette tendance à la normalisation avec Tel-Aviv qui est en train de se dessiner à l'échelle de ce monde dit arabe. Elle s'inscrit dans ce processus de Grand-Moyen-Orient – le fameux GMO – mis au point par les néoconservateurs US sous la présidence de George Bush. Ce processus de reconfiguration du monde arabe et musulman, centré autour de la normalisation des relations entre Israël et son environnement régional débarrassé des «Rogue States» («Etats voyous» selon Washington), va certainement s'accélérer avec l'entrée en lice des pays du Golfe – Emirats arabes unis, Bahreïn, Oman – et du Soudan. L'Arabie Saoudite, après la rencontre entre le prince héritier Mohammed Ben Salmane et Benyamin Netanyahu en présence de Mike Pompeo, à Neom, en territoire saoudien, ne va pas tarder à prendre le train en marche. D'autant que rien ne se fait dans cette région sans l'aval de Riyad. Il en sera de même du Koweït qui manifeste quelques réticences mais qui n'oublie pas qu'il doit sa survie en tant qu'Etat à l'intervention militaire américaine en 1990 contre l'Irak de Saddam ! Le Qatar, dont les relations avec Israël sont anciennes, un des rares pays arabes où ni les sportifs israéliens ni le pays qu'ils représentent ne sont ostracisés, ne tardera pas à rejoindre ses anciens alliés du Golfe. D'autant que son grand allié, la Turquie d'Erdogan, n'a jamais dénoncé le pacte de défense stratégique conclu en 1996 entre Ankara et Tel-Aviv. Manquent au tableau les pays arabes théâtres de graves conflits internes — Syrie, Irak, Yémen et Libye — et à un degré moindre le Liban et la Mauritanie. Et bien sûr l'Algérie et la Tunisie. Quant aux autres membres de la Ligue arabe, les Comores, Djibouti, la Somalie dont on connaît la dépendance vis-à-vis des pays du Golfe, on les voit mal dans une posture de résistance à tout rapprochement avec Israël. Ce processus en cours de normalisation ne rencontre donc aucune opposition. Silence radio des salafo-wahhabites que les pétromonarchies actionnent en cas de besoin comme elles l'ont fait pour déstabiliser le régime de Bachar Al-Assad ! Silence éloquent, à peine quelques murmures de protestation, de la part des Frères musulmans dont Rachad, que parraine la Turquie d'Erdogan qui dans le conflit du Haut Karabagh s'est alliée avec Israël, pour soutenir militairement l'Azerbaïdjan « musulman » contre l'Arménie « chrétienne orthodoxe » ! En tout état de cause, on assiste à la fin d'un cycle, celui d'une Ligue arabe, faisant auparavant plus ou moins cause commune autour de la question palestinienne et qui, depuis le « printemps arabe » est caporalisée de fait par les pétromonarchies. Et, pour l'Algérie qui en fait partie, continuer à siéger au sein de cette Ligue arabe qui n'a plus de raison d'être, à parler de « fraternité arabo-islamique » dans un contexte où le rapport de forces politiques et régionales s'est inversé, est une perte de temps et d'argent. En attendant, ce rapprochement entre Israël et certains pays arabes a fait au moins deux victimes : les Palestiniens contraints de se taire et les Sahraouis qui voient s'ouvrir des consulats arabes et africains sur leur territoire. Et comme si la gravité de la situation interne de l'Algérie au triple plan politique, sanitaire et socio-économique ne suffisait pas, voilà que la question sahraouie s'invite et polarise le débat interne. Face aux menaces et complots extérieurs, il est ainsi question de «front intérieur». Personne n'est contre, à commencer par le Hirak qui, de l'avis même d'Abdelmadjid Tebboune, a sauvé l'Algérie d'un effondrement total. Et sans le Hirak, autrement dit le peuple dans toutes ses composantes, qui a fait montre d'un patriotisme exceptionnel, il est impossible de contrer les ingérences extérieures. Il suffit de rappeler qu'en 1963, c'est la mobilisation populaire qui a fait échouer la tentative d'annexion de Tindouf et Béchar par l'armée de Hassan II. Aujourd'hui, un tel front intérieur ne peut donc faire l'impasse sur la démocratie, l'exercice des libertés démocratiques, le respect des droits de l'Homme, la libération des détenus d'opinion et, partant, la souveraineté populaire, comme l'ont rappelé les forces démocrates et les acteurs du Hirak ! H. Z.