Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Sans qu�il f�t l�unique pr�curseur de la fameuse aventure intellectuelle, il a tout de m�me �t� le premier de cord�e qui s��tait charg� de monter � l�assaut de la censure officielle. En effet, lorsque dans la matin�e du 3 septembre 1990 les rotatives tir�rent l��dition inaugurale du Soir d�Alg�rie, les gens de la presse commenc�rent � ne plus douter de l�issue de leur combat. Ils venaient de remporter le premier round face au pouvoir d�Etat tout en sachant, cependant, que les lendemains de leur profession n�allaient pas �tre tranquilles. Bien au contraire, ils se pr�par�rent, autant qu�ils le purent, aux retours de manivelle dont les mena�ait clairement un syst�me � l��poque moribond. Octobre 1988 l�ayant d�stabilis� deux ann�es plus t�t, il n�avait donc c�d� sur la question de la libert� d�expression et des libert�s politiques en g�n�ral que pour des raisons tactiques. L�hostilit� � l�exercice d�un journalisme d�opinion caract�risa rapidement les relations qu�entretinrent les ex�cutifs qui se succ�d�rent au cours de cette double d�cennie. Il en alla ainsi, aussi bien � l��poque du HCE qu�avec Zeroual et bien �videmment sous Bouteflika. La presse non officielle constitua pour tous ces r�gimes un abc�s qu�ils trait�rent parfois par les tracasseries administratives et souvent par l�intimidation, n�h�sitant pas � commanditer l�incarc�ration des journalistes. C�est l� une constante de tous les pouvoirs lesquels trouv�rent � leur service des ex�cutants z�l�s � l�image des quelques premiers ministres pass�s � la sombre post�rit� dans ce domaine. Bela�d Abdeslam et Ouyahia s�y illustr�rent vaillamment dans la croisade liberticide. Or, malgr� l�acharnement du pouvoir d�Etat, les ressorts de cette presse r�sistent toujours. La multiplication des proc�s et l�infamie de leurs verdicts s�ils font parfois fl�chir les �diteurs ne les ont cependant pas contraints � renoncer aux credo fondamentaux. Vingt ans apr�s, les journaux vacillent de temps � autre mais refusent quand m�me de capituler. Dans un environnement politique marqu� par la tragique faillite de son interface que sont les partis d�opposition, la presse en question se retrouve seule � relayer le discours contradictoire En effet, l��clipse des courants politiques la fragilise dans ce t�te-�-t�te in�gal par d�finition. Confront�e � un recul d�mocratique sans pr�c�dent depuis 1990, l�on comprend qu�elle nourrisse actuellement certaines inqui�tudes quant � la pr�carit� des entreprises d��dition qui la composent. Quand bien m�me les bons samaritains lui font le reproche de manquer � l��thique l�on sait parfaitement bien que ce n�est pas de cela qu�il s�agit. Ce qui exc�de ceux-l� et qui demeure dans le non-dit, c�est son immunit� par rapport � la courtisanerie. Une marque de fabrique toujours perceptible dans la tonalit� globale des �crits de bon nombre de journaux. En fait, m�me si le fameux concept d�ontologique venait � �tre d�battu, il serait quand m�me surprenant que les procureurs de cette presse ne soient pas � leur tour contest�s. Le proc�s d�intention qu�alimente en permanence le pouvoir politique vise � reprendre le contr�le sur la totalit� des relais de la communication. Par cons�quent quelle que soit la cr�dibilit� des journaux, pourtant �talonn�e d�abord par le lectorat, l�on s�acharne sciemment � la r�duction du champ des libert�s politiques de la m�me mani�re que l�on est parvenu � circonvenir les partis politiques. Aujourd�hui donc, les journaux ind�pendants sont pr�occup�s par cette mise sous contr�le rampante de leurs lignes �ditoriales et cela � travers le chantage aux recettes publicitaires dont l�Etat garde le monopole. Certes, quelques publications parviennent � �chapper au processus de condition et se garantissent ainsi la bonne marge de libert� qui convient � leur ligne �ditoriale. A l�inverse, combien d�autres poursuivent l�aventure de la parution dans des conditions quasi-artisanales ? Or, la disparition de ces derni�res outre qu�elle affaiblit la diversit� d�opinion permet paradoxalement au pouvoir d�Etat de concentrer sa pression sur les �rescap�s� de la libert� d�expression. D�o� la question lancinante comment faire pour ne pas laisser en rade la moindre voix afin de perp�tuer une tradition n�e en septembre 1990 ? Car, au-del� du corporatisme, connot� certes p�jorativement sous d�autres latitudes, la presse �crite de ce pays a par contre un devoir de solidarit� face au despotisme de l�Etat. Celui-l� ne consiste-t-il pas � susciter ce qui peut ressembler � des �tats g�n�raux afin d��valuer ces 20 ann�es de r�sistance et dans le m�me temps sortir avec un manifeste susceptible de devenir la charte de la libert� d�expression ? Autrement dit, se doter d�un instrument de riposte au laminage par la division et les distinguos entre les publications. F�d�rer l�ensemble des travailleurs du secteur et r�activer l�association des �diteurs appara�t d�sormais comme l�unique alternative. Expos�e � la plus insoutenable incertitude et � la plus inconfortable position d�fensive, la presse ind�pendante n�a plus d�autre choix ni de temps � perdre C�est que vingt ann�es apr�s la naissance de la premi�re g�n�ration de journaux libres, la volont� du pouvoir d�Etat de les corrompre est demeur�e intacte et plus forte que jamais. T�moins l�gitimes d�Octobre 88, ne repr�sentent- ils pas la derni�re menace dont il voudra effacer jusqu�� la moindre trace et l�ultime acquis ? Apr�s le cr�puscule programm� des libert�s politiques, l�affaiblissement de la presse constitue d�sormais sa pr�occupation principale afin qu�il puisse imposer � nouveau le huis clos du pass�. Or, ce floril�ge de publications ind�pendantes, �clos dans la foul�e de l�automne 1990, est parvenu � ce jour � d�jouer et diff�rer sa mise � mort en d�pit de toute les tentatives. De leurs r�sistances au complot permanent, quelques journaux ne tirent-ils pas d�sormais une l�gitimit� certaine que nul oukase ne pourra abroger ? N�est-ce pas le cas du Soir d�Alg�rie et de la demi-douzaine de titres surgis au c�ur de la tourmente des ann�es mortif�res ?