L'ancien conseiller à la présidence de la République, Saïd Bouteflika, a mis en cause son frère, le Président déchu Abdelaziz Bouteflika, dans l'affaire Chakib Khelil. Selon le journal El Khabar qui a rendu publics des éléments de l'instruction, Saïd a affirmé que c'est son frère aîné qui a exigé l'annulation des mandats d'arrêt internationaux lancés contre l'ancien ministre de l'Energie et les membres de sa famille. Tarik Hafid - Alger - Le Soir - Saïd a-t-il brisé le pacte familial qui le lie à son frère et mentor Abdelaziz Bouteflika ? Les détails publiés, hier lundi, par le journal El Khabar laissent supposer que la fratrie la plus puissante d'Algérie a fini par voler en éclats. Interrogé dans le cadre de la phase d'instruction de l'affaire de l'ancien ministre de l'Energie et des Mines, Saïd Bouteflika aurait accusé son aîné d'avoir annulé les mandats d'arrêt internationaux émis contre Chakib Khelil, son épouse et ses deux enfants. «Ce qui est intéressant dans cette affaire, c'est que Saïd Bouteflika, lors de son interrogatoire, a déclaré que l'annulation des mandats d'arrêt internationaux émis contre le membre de la famille de Chakib Khelil était un ordre de l'ancien président de la République Abdelaziz Bouteflika. Il a mentionné que le Président lui avait demandé, en sa qualité de conseiller, de l'informer de l'évolution des événements. Par conséquent, ses contacts avec le ministre de la Justice, Tayeb Louh, ne consistaient pas à donner des instructions, mais que son rôle consistait plutôt à suivre les développements du dossier pour informer le président de la République, sans plus», écrit El Khabar. Saïd Bouteflika minimise donc son action dans cette affaire et charge lourdement l'ancien Président. Les faits remontent à l'été 2013, lorsque la justice algérienne avait lancé des mandats d'arrêt internationaux contre Chakib Khelil, son épouse Nadjat Arafat et leurs deux enfants Sina et Khaldoun Khelil dans l'affaire de détournement et de corruption dite de «Sonatrach2». Ce scandale d'envergure internationale a mis en cause, outre les Khelil, Réda Hemche, ancien chef de cabinet du P-dg de Sonatrach et neveu de l'ancien ministre de l'Energie, ainsi que l'homme d'affaires Farid Bedjaoui. El Khabar explique que Tayeb Louh «recevait des instructions par sms», et qu'il avait trouvé un «artifice juridique» pour annuler les mandats d'arrêt internationaux. «La justification du ministre de la Justice était que les mandats d'arrêt internationaux émis contre la famille de Chakib Khelil étaient illégaux, puisque les concernés n'avaient pas été convoqués avant leur émission. Pour cela, il a fait référence à une disposition du code de procédure pénale visant à justifier l'illégalité des ordonnances. Louh a demandé à l'inspecteur général du ministère de la Justice de tout coordonner avec le juge d'instruction et le procureur du tribunal de Sidi-M'hamed, et de les informer des instructions du ministre afin de publier des avis de «cesser les recherches», ce qui signifiait suspendre les mandats d'arrêt», explique notre confrère. Notons que les poursuites contre la famille Khelil avaient été lancées au moment où le Président Abdelaziz Bouteflika était en convalescence dans des établissements de l'armée française à Paris. La procédure d'annulation a été engagée dès sa réélection à un quatrième mandat présidentiel. En mars 2016, Chakib Khelil est d'ailleurs revenu en conquérant. Ennahar TV, qui avait suivi la tournée de l'ancien ministre de l'Energie à travers plusieurs villes du pays, avait annoncé que ce retour avait été rendu possible suite à une «enquête ordonnée par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, qui a démontré son innocence». Reste maintenant à savoir si la justice ira jusqu'à convoquer le Président démissionnaire suite aux accusations proférées par son frère, Saïd. Peu probable, si l'on s'en tient aux propos de son successeur, le Président Abdelmadjid Tebboune. Lors d'une interview accordée à la chaîne France 24 au mois de juillet 2020, le premier magistrat du pays avait laissé entendre qu'il n'était pas favorable à ce que Abdelaziz Bouteflika soit jugé. Les voies de la justice algérienne étant impénétrables, le passage à la barre de l'ancien chef de l'Etat est tout à fait possible. Surtout que d'autres anciens responsables n'ont pas hésité à le charger, notamment son ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal. T. H.