Les révélations de l'ancien détenu de la prison d'El-Harrach, l'étudiant Walid Nekkiche, sur la torture qu'il aurait subie lorsqu'il était en garde à vue et les violences physiques et sexuelles qu'il aurait endurées, mais aussi le choc et l'indignation générale qu'elles ont provoqués, ont fini par pousser le parquet général à ordonner l'ouverture d'une enquête sur cette affaire qui a fait le tour des médias du monde. Karim Aimeur – Alger (Le Soir) – Depuis le premier février, date de la tenue du procès de Walid Nekkiche, qui a dû rester en prison 14 mois avant sa programmation, les appels à l'ouverture d'une enquête se sont multipliés suite aux graves révélations de l'accusé et de sa défense, selon lesquelles l'étudiant aurait subi des violences physiques et sexuelles lors de sa garde à vue. La semaine était chargée de réactions d'indignation, de dénonciations et de réclamations exigeant de rendre justice à la victime et de mettre un terme à ces pratiques dégradantes dans les lieux de garde à vue. Il a donc fallu attendre le soir d'avant-hier pour voir enfin le parquet général près la cour d'Alger réagir, en ordonnant au procureur de la République près le tribunal de Bir-Mourad-Raïs d'instruire une enquête préliminaire sur les faits avancés par l'ancien détenu et chargé la police judiciaire compétente de cette mission. Le parquet général a évoqué, en effet, «les réactions et commentaires relayés par les différents titres de presse et provoqués par ces déclarations, ainsi que la remise en doute et les interrogations suscitées auprès des parties qui s'intéressent à l'action judiciaire, notamment concernant le respect de la liberté et de la dignité des citoyens suspects placés en garde à vue, et dans le but d'établir la vérité sur ce qui se serait passé dans l'affaire du citoyen Walid Nekkiche», pour expliquer son action. L'annonce du parquet général près la cour d'Alger a été différemment accueillie par les défenseurs des droits de l'Homme. Saïd Salhi, vice-président de la Laddh, aile Zehouane, a qualifié l'annonce de «positive», tout en appelant à maintenir la mobilisation afin de réclamer un procès public et équitable à même de rendre justice à Walid Nekkiche. L'ancien président de l'association RAJ, Hakim Addad, a soutenu que «l'ouverture d'enquête ordonnée par le parquet général est due essentiellement à la mobilisation nationale et l'écho à l'international». «Même si nous pouvons douter de son aboutissement, c'est un acquis et nous pouvons nous en réjouir et continuer à ouvrir des dossiers pour que justice soit faite aux autres victimes», a-t-il réagi. Cette affaire a, en effet, tourné au scandale surtout que Walid Nekkiche n'est pas le seul détenu à avoir dénoncé la torture lors de sa garde à vue. D'anciens détenus, à l'image de Karim Tabbou, se sont également plaints de ces pratiques. Lors de son procès, ce dernier a déclaré qu'il a été traité comme «un prisonnier palestinien», en défiant le ministre de la Justice d'ouvrir une enquête sur les violences qu'il a subies. Il faut rappeler que la défense de Walid Nekkiche avait déposé, au mois de juin 2020, une plainte auprès du parquet général contre les violences subies par l'ancien détenu. Lors du procès qui s'est déroulé le 1er février au tribunal de Dar-el-Beïda, la même défense a demandé l'ouverture d'une information judiciaire sur l'affaire. Dans ses déclarations après sa sortie de prison, l'étudiant décrit le calvaire vécu à la caserne de Ben Aknoun pendant six jours qu'il qualifie carrément d'enfer. La seule consolation pour lui est cette vague de soutien et de solidarité qui s'est formée autour de lui. L'enquête judiciaire fera-t-elle toute la lumière sur cette affaire ? K. A.