Cinq pays du Sahel et la France se sont réunis en sommet, lundi 15 et mardi 16 février 2021, au Tchad pour «faire le point sur la lutte antiterroriste dans la région. Si les présidents du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) ont pris part à la rencontre de N'Djamena, le Président français Emmanuel Macron a participé en visioconférence, ainsi que le président du Conseil européen Charles Michel, à cause du coronavirus. Une autre surprise vient de la présence à ce sommet du Premier ministre du royaume du Maroc, sans doute à l'invitation de la France dont on connaît les positions ouvertement pro-marocaines dans la question du Sahara Occidental. L'on se demande à quoi rime cette initiative qui s'apparente à une manœuvre, prenant comme prétexte la lutte antiterroriste au Sahel, qui ne concerne ni de près ni de loin le Makhzen. En fait, c'est toute la politique de l'ancienne puissance coloniale qui serait en train d'être redéployée pour des raisons qui tiennent principalement à son rôle sur le terrain militaire avec l'opération Barkhane, lancée il y a 8 ans. En France, des voix de plus en plus insistantes se font entendre quant au coût de cette guerre dans des contrées frappées de dénuement complet. De l'aveu même des officiels français, les victimes principales sont les civils. Malgré les effectifs militaires engagés, la bataille n'est pas pour autant gagnée, loin s'en faut ! Au moins 50 soldats ont trouvé la mort dans les affrontements dans des opérations aux conséquences financières de plus en plus insoutenables. C'est pourquoi il est question en France d'une volonté d'«ajuster» son engagement, comme l'assurait en janvier dernier Emmanuel Macron en personne. Ce dernier n'ignore pas aussi la montée du sentiment anti-français dans la région du Sahel, des manifestations populaires ont même eu lieu au Mali, notamment. Mais la France semble hésiter à couper immédiatement dans ses effectifs devant l'échec de sa politique interventionniste. A ce propos, Niagalé Bagayoko acte l'échec de la coopération militaire occidentale dans le volet de la formation des armées sahéliennes. Niagalé Bagayoko est politologue, présidente de l'African Security Sector Network, une organisation panafricaine qui rassemble des spécialistes de la réforme des systèmes de sécurité. Elle estime que les réponses sécuritaires locales et internationales apportées pour résoudre la crise au Sahel sont inadaptées. Volonté de désengagement ? Quelle est, par ailleurs, la mission dont est chargé le Premier ministre marocain par Paris, sachant aussi que son pays n'est pas membre du G5 ? La France continue dans son jeu trouble, capable, à brèves échéances, de provoquer le chaos dans toute la région. La «sahélisation», c'est-à-dire abandonner les armées nationales des pays du G5 dans une pseudo-relève aux forces armées françaises, une option suicidaire dans un conflit qui rappelle la guerre en Afghanistan, dans laquelle s'était embourbée l'ex-Union soviétique. Ces armées nationales sont sous-entraînées et sous-équipées. Au Burkina, les soldats ne sortent plus guère des bases quand ils ne sont pas parfois directement attaqués. Dépassée par la tournure des événements, la France choisit-elle par vengeance d'internationaliser le conflit sahélien en faisant appel à l'entrée en lice de troupes d'autres nationalités, au demeurant déjà en place ? Tout cela n'augure guère d'une sortie de crise aux multiples dommages collatéraux. Brahim Taouchichet