De Tunis, Mohamed Kettou Ce samedi 27 février sera une journée à hauts risques pour la Tunisie. Le parti islamiste de Rached Ghannouchi a programmé, pour cette date, une manifestation dans la capitale, tout en insistant auprès de ses représentants régionaux d'inciter ses partisans dans les régions à faire de même. Jusque-là, rien d'anormal sauf qu'à travers le monde, on assiste, rarement, à une manifestation organisée par le parti au pouvoir. Les nahdhaouis s'y préparent sérieusement comme le montre cette demande, du reste rejetée, d'affréter un train de Gabès (sud) vers la capitale. L'affluence sera, sans doute, considérable pour répondre à la démonstration de force réalisée, dimanche dernier à Sousse, par le PDL de Abir Moussi. La question que se posent les citoyens est de savoir si l'avenue Bourguiba à Tunis sera ouverte ou non aux nahdhaouis, après avoir été fermée, récemment, à d'autres manifestations. Tout indique qu'elle le sera, puisque la décision est entre les mains de Hichem Mechichi qui assure l'intérim au ministère de l'Intérieur, et qui ne peut refuser un tel cadeau à celui qui lui assure le soutien du Parlement. D'autant plus que parmi les banderoles de décor, il y aura, sans doute, celles qui appellent au soutien à apporter au gouvernement Mechichi face à l'entêtement du Président Kaïs Saïed que Ghannouchi cherche, à tout prix, à humilier. Voilà le principal objectif du président du parti islamiste. Laissant de côté, momentanément, ses différends avec Abir Moussi, c'est au président de la République en personne qu'il veut montrer sa puissance sur le terrain. C'est, aussi, une occasion pour le prouver à ses détracteurs, dont des anciens nahdhaouis, qui affirment que le rôle historique du parti Ennahdha fait partie du passé. Toujours est-il qu'il faut compter avec la menace de l'Union générale tunisienne de travail, syndicat qui ne reste pas les bras croisés, face à l'évolution de la situation. Les risques viennent du côté de la centrale syndicale. En effet, son secrétaire général, Noureddine Taboubi, a, dès l'annonce de la marche des islamistes, réagi violemment en disant : «Puisque vous investissez la rue, nous y serons.» C'est dire le risque de voir l'avenue Bourguiba se transformer, l'espace d'un jour, en arène où se mesureraient les «gladiateurs» des deux camps, farouchement opposés les uns aux autres. C'est le spectacle auquel sont invités les Tunisiens, dont la plupart n'arrivent plus à supporter les conséquences des «bagarres» menées par les divers partis devenus, depuis quelque temps, «ennemis» à la recherche d'une portion d'un «gâteau» appelé Tunisie. Entre-temps, le président de la République, aux pouvoirs limités certes, se confine dans un rôle de spectateur. Un spectateur qui bloque les rouages du gouvernement à travers son refus de reconnaître le remaniement introduit par Hichem Mechichi. Cela dure depuis un mois déjà, et chacun campe sur ses positions. D'où l'idée de Ghannouchi de programmer cette journée de protestation. M. K.