Dans un contexte de crise sanitaire, les autorités et la classe politique font face à de violentes critiques et manifestations nocturnes qui se poursuivent depuis deux semaines. Des affrontements ont opposé hier après-midi à Tunis des manifestants aux services de sécurité, devant le siège du Parlement à Bardo, où se tenait une séance de vote de confiance du nouveau gouvernement tunisien, proposé par le chef de l'Exécutif, Hichem Mechichi, a rapporté la presse locale et des vidéos relayées sur les réseaux sociaux. Les manifestants mobilisés pour "faire tomber le système" sont sortis à l'appel de plusieurs collectifs politiques et une trentaine d'associations tunisiennes, rassemblés au sein de la Coordination de la justice sociale et de la dignité nationale. Ce collectif a organisé aussi des manifestations en dehors de Tunis, dans la ville de Sousse, où il a observé un rassemblement à la mémoire d'un jeune manifestant qui a succombé à ses blessures, après avoir été grièvement touché par une bombe lacrymogène lors des manifestations de la semaine dernière à Kasserine, au lendemain du 10e anniversaire de la chute de l'ancien régime de Ben Ali, a rapporté le quotidien Tunisie numérique. Des heurts ont d'ailleurs éclaté après l'enterrement de ce jeune manifestant, Haykel Rachdi, à Sbeitela (Kasserine), entre la police et des manifestants qui ont bloqué plusieurs axes routiers en ville, a rapporté la chaîne radio privée Mosaïque FM. Les autorités ont déployé un important dispositif policier autour du siège du Parlement, ce que certains députés ont dénoncé, a rapporté l'agence de presse la TAP. Le collectif Manish Msameh a lui aussi appelé à manifester devant le siège du Parlement, où les manifestants ont exigé le départ du président de l'Assemblée tunisienne, le leader du mouvement islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi, qualifié de "tueur". Et ils ne sont pas les seuls à lui demander de quitter son poste, puisqu'il y a aussi le Parti destourien libre (PDL) d'Abir Moussi, qui a d'ailleurs boycotté la séance d'hier. Depuis des semaines, les divisions politiques ont provoqué des violences verbales et physiques au sein d'un hémicycle, où des alliances fragiles n'ont fait qu'aggraver le fossé séparant les Tunisiens de leurs élus. Parallèlement, dans ce contexte de crise sanitaire à laquelle le gouvernement n'arrive plus à faire face, les mesures de restriction ont affecté davantage de Tunisiens, détruisant des centaines d'emplois et commerces, contraints de fermer. Le durcissement du dispositif de restrictions sanitaires a fini par entraîner une explosion sociale à laquelle Hichem Mechichi n'a pas pu apporter de réponse, lors de son discours la semaine dernière. Par ailleurs, le président Kaïs Saïed a critiqué le remaniement annoncé par Mechichi le 16 janvier dernier, regrettant n'avoir pas été consulté et dénonçant l'absence des femmes au sein du nouvel exécutif. Ce remaniement est loin de calmer la rue ou de mettre fin aux dissensions politiques dans une Tunisie qui se cherche, dix ans après la "Révolution du Jasmin", toujours une voie de sortie plus sûre à la fois pour sa jeune démocratie et son économie.