Sur sa lancée couronnée dans un premier temps, il y a deux semaines, par la signature d'un protocole d'accord engageant cinq opérateurs du secteur des énergies renouvelables pour poser les fondements d'une démarche commune visant à capitaliser le potentiel industriel et l'ingénierie dont dispose l'Algérie afin de donner un peu plus de corps à la transition énergétique envisagée, le Club Energia, think tank algérien, s'est penché, jeudi lors d'un webinar, sur la fondamentale question du financement et de la «bancabilité» des projets des énergies renouvelables (EnR). Il est impossible de parler d'énergies renouvelables sans aborder au préalable la question centrale de leur financement. Un volet incontournable encore en plein «défrichage» même si les pouvoirs publics, à travers le ministre chargé de la Transition énergétique et des Energies renouvelables, le professeur Chems Eddine Chitour, a livré une piste, il y a quelques mois, en confiant que dans son objectif, l'Algérie envisage de se doter de centrales de petite et moyenne envergure devant produire, dans un premier temps, 1 000 mW pour les substituer aux coûteuses centrales à gaz et permettre, ainsi, au pays de vendre son gaz non consommé pour un revenu annuel projeté de 200 millions de dollars. Ces fonds économisés seront utilisés pour financer, pour une partie, le plan tracé afin de doter le pays d'énergie renouvelable. En d'autres termes, les 200 millions de dollars engrangés permettront, entre autres, de rembourser les prêts contractés auprès des partenaires financiers. Une question centrale, en tous les cas, qu'a abordée une rencontre en ligne organisée par le think tank algérien Club Energia, jeudi, avec la participation d'experts de haut vol notamment des questions financières dans le domaine des EnR, à l'instar de l'expert Mouloud Bakli, président du Club Energia, qui confiera que les projets dans les énergies renouvelables sont «à 80% une affaire de montage financier adéquat et agile» sans omettre de souligner qu'il existe des compétences nationales locales et dans la diaspora qui sont à même d'apporter cette expertise nécessaire au décollage des EnR dans notre pays, particulièrement le solaire photovoltaïque et l'éolien. «La bancabilité des projets et l'émergence d'un système de financement adéquat sont le préalable au succès de la transition énergétique et du déploiement des énergies renouvelables», résumera l'hôte de la rencontre avant que Boukhalfa Yaïci, le managing directeur du cluster énergie solaire algérien, assure tout son monde que la transition énergétique est en train de se déployer dans le pays et l'objectif dans l'immédiat consiste à assurer des synergies, faire en sorte de réunir les conditions d'exercer à tous les acteurs impliqués, qu'ils relèvent du public ou du privé. Déjà des acquis, même s'ils peuvent paraître «maigres», font état de l'augmentation de la capacité installée de 3 900 mW à 18 000 entre les années 2000 et 2017 alors que la capacité effective jusqu'à 2020 est de 22 000 mW. En dix ans, entre 2014 et 2024, la capacité additionnelle devrait augmenter de 8 000 mW grâce à la production de 6 centrales pour un montant de 4 milliards de dollars. En 2025, Sonelgaz espère atteindre les 25 000 mW et eu égard «aux indices qui indiquent que les autorités du pays veulent changer la donne et favoriser les EnR» ainsi que l'attestent également les recommandations du Commissariat aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique (Cerefe), les capacités actuelles peuvent constituer une base pour prendre la bonne direction vers le développement des EnR, avec comme autre atout, mis en évidence par M. Yaïci, le tissu industriel local et la contribution du cluster Energie solaire dans l'émergence d'un écosystème favorable à ce développement qui fera en sorte que l'Algérie ne dépende plus des hydrocarbures qui représentent 60% du budget et 98% des recettes d'exportation, d'une part, et de l'autre, faire en sorte que le pays diminue cette dépendance qui fait que la production et la consommation d'énergie, y compris dans le secteur de l'électricité, sont tirées des hydrocarbures à plus de 99%. Pour ce faire, comme le suggère Karim Megherbi, fondateur et directeur exécutif d'EPDA, une plateforme de création de projets dans les EnR, six exigences doivent être satisfaites pour la réalisation d'un programme EnR. Il faudra, ainsi et en tout premier lieu, instaurer des objectifs de prix, déterminer la capacité dans le temps, les réseaux et l'environnement électrique nécessaire, l'industrie à développer, le mode de financement avec ouverture au privé international, et l'instauration d'un cadre réglementaire adéquat, soit une réglementation qui encourage, qui ne repousse pas les financements internationaux, et d'autres questions plus administratives qui en fin de compte impactent les coûts. Le fondateur d'EPDA, lui aussi, milite pour que le pays tire profit de l'environnement entrepreneurial qu'il a qualifié de dynamique dont dispose l'Algérie. Des intervenants, tels Thomas Chalumeau, de la SFI/Banque Mondiale, et Emir Belnemir, un expert algérien exerçant à Emea Power dans le Golfe, s'étaleront sur l'aspect financier qu'induit la transition vers les énergies renouvelables et comment créer les conditions pour que le financement des projets EnR voient le jour et d'autres questions financières très techniques. Ceci avant que Nora Guemar, une diplômée de l'Ecole nationale polytechnique d'Alger, aujourd'hui cadre à Engie, le groupe industriel énergétique français, un des plus grands groupes mondiaux dans le secteur de l'énergie, éclaire les participants à la rencontre par visioconférence sur les dernières tendances mondiales de modèles énergétiques durables qui sont annoncées comme en totale rupture avec notre modèle énergétique actuel. De quoi, en somme, défricher encore un peu plus le terrain pour entamer, pour de bon, le challenge de la transition énergétique qu'il faudra à l'Algérie absolument relever. Azedine Maktour