L'apparition des premiers cas du variant britannique dans le pays est appréhendée de manière très différente au sein de la population algérienne qui demeure davantage au stade de questionnements et recherche de la compréhension de la nouvelle situation qui se présente à elle. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Ces interrogations sont surtout soulevées par la population dite à risque, les malades chroniques, cardiovasculaires ou autres pathologies nécessitant des traitements permanents. Deux médecins généralistes officiant dans le Grand Alger en parlent ici. « Ce samedi, j'ai reçu un appel téléphonique d'une de mes anciennes patientes souffrant d'un rhume et qui voulait savoir si elle pouvait prendre un traitement ordinaire, explique le docteur Chekroune. Elle a dépassé la soixantaine et souffre d'insuffisance cardiaque, ses enfants ont insisté pour qu'elle se renseigne sur les médicaments prohibés ou déconseillés. Cette personne sait se comporter depuis l'apparition de la pandémie, mais la confirmation de l'apparition du variant britannique a fait naître des doutes et pas seulement chez elle ». « Les doutes persistent y compris chez les médecins, c'est normal », explique Sihem Chetouh. «Nous sommes renseignés de ce qui se passe ailleurs, dans les pays qui font face depuis un moment à ce variant du Covid, mais le fait de savoir qu'il a fait son apparition en Algérie nous met dans une tout autre situation, ce virus se propage à une très grande vitesse, 70 à 80% de plus, c'est ce que nous expliquons aux patients que nous recevons, et certains d'entre eux sont aussi très préoccupés, les malades ont peur, ils ont entendu tellement de choses. Ce dimanche, un homme âgé est venu me demander un certificat attestant de la fragilité de son état afin que sa famille évite de venir lui rendre visite car il a peur d'être contaminé. Vous voyez un peu à quelle situation nous faisons face, et nous n'en sommes qu'au début .» Aucun changement ne semble cependant perceptible au niveau des pharmacies vers lesquelles les citoyens se ruaient en début de pandémie pour l'acquisition des fameux compléments au zinc et vitamine C. Dans un quartier très fréquenté du 1er-Mai un pharmacien livre ses impressions. « Beaucoup de patients ont même fait des réserves de ce genre de produits en début de pandémie. Certains ont aussi stocké le traitement réservé aux cas atteints du Covid car ils appréhendaient une rupture du produit. Ensuite tout est rentré dans l'ordre, les gens se sont habitués à cette situation, même les masques sont moins vendus depuis que l'on sait qu'ils peuvent être lavés et réutilisés. La confirmation de l'apparition du variant britannique dans notre pays n'a pas changé grand-chose, l'information est encore toute récente, il faut encore attendre quelques jours pour voir s'il y a changement, tout le monde attend de voir comment la situation va évoluer, ce qui est une erreur car il faut prévenir et se remettre au sérieux en prenant toutes les précautions nécessaires .» Comme beaucoup, ce jeune pharmacien déplore le terrible relâchement observé chez la population. Le fait est visible dans les rues où le port du masque se fait rare. Pratiquement inexistant chez la jeune population, il est en revanche plus présent chez les personnes âgées, peut-on remarquer un peu partout. « Regardez, même les marchands ne portent plus de masques, fait remarquer une ménagère. Rien, il n'y a plus rien, l'argent est transmis de main en main sans être désinfecté, je vois les jeunes se partager les cafés, les cigarettes dans mon quartier, ils s'agglutinent pour acheter de la pizza à midi, les fast-foods grouillent et c'est nous les vieux qui encaissons.» La réponse que lui livre un jeune vendeur de légumes laisse sans voix : « Ce virus n'existe pas, je suis à la même place depuis l'apparition du Covid et je n'ai jamais rien eu, mon ami est tombé malade, on lui a dit qu'il était contaminé mais c'est faux, il a guéri très vite. Il n'en est pas mort, moi je crois en Dieu et c'est le plus important .» « Les gens continuent à mourir de ce virus », s'énerve la dame. Elle fait savoir qu'un membre de sa famille est décédé une semaine auparavant. « Il a repris une vie normale, il sortait à nouveau pour retrouver ses copains dans un café de Bab-el-Oued. Il s'est fait contaminer et a contaminé sa femme et ses deux enfants, l'un d'eux est diabétique, lui n'a pas survécu .» La levée des interdictions qui pesaient sur certains commerces, de restauration rapide en particulier, semble avoir rassuré grandement les citoyens. La courbe en baisse des chiffres des contaminations est l'exemple cité par tous les citoyens qui évoquent un retour à la normale. « Ma pizzeria est fermée depuis des mois, ils nous ont autorisés à rouvrir car ils savent qu'il n'y a plus de danger », lance le patron de ce commerce dans le quartier des Bananiers. Ici, l'affluence est au maximum à midi. La distanciation physique et le port du masque sont inexistants. L'apparition du variant britannique ne fait pas non plus partie des sujets prédominants. Chez cette tranche de la population, les questions sont tout autres, les appréhensions aussi. Un retour au confinement et un nouvel ordre de fermer les commerces et réduire les déplacements interwilayas sont réellement redoutés. Rien de semblable pourtant dans les grandes surfaces où la peur de devoir à nouveau fermer pousse à une plus grande vigilance. Au niveau de la grande surface « Carrefour », l'obligation de se désinfecter les mains a été généralisée avant l'entrée à chaque magasin. Auparavant, elle se faisait uniquement au niveau de la porte principale. À l'intérieur, c'est aussi le retour à la désinfection des caddies. L'essayage des vêtements et des chaussures demeure aussi interdit. Le relâchement observé une certaine période sur la présence des enfants de moins de seize ans dans les surfaces commerciales est corrigé. Cette nouvelle interdiction fait craindre aux commerçants une baisse sensible des clients qui comptent sur les ventes en ligne pour écouler leur marchandise. Le procédé est entré dans les mœurs, « il se développe, les gens ont de plus en plus confiance », nous dit-on sur place. A. C.