De Tunis, Mohamed Kettou Entre le chef de l'Etat et Rached Ghannouchi, leader du parti Ennahda, c'est une guerre ouverte qui mobilise leurs fans respectifs en public ou dans les médias. Toutes les occasions sont bonnes pour le Président tunisien Kaïs Saïed pour tacler les islamistes. Lundi dernier, la veille du mois saint du Ramadhan, il les a attaqués au sein même de la mosquée « Zitouna ». Allah, a-t-il dit, s'est adressé dans le Coran aux musulmans et jamais aux islamistes. Cette option, immuable chez Kaïs Saïed, ne cesse de se renforcer chez lui depuis qu'il s'est trouvé en lutte avec le chef du parti islamiste, Rached Ghannouchi. Entre les deux hommes, c'est une guerre déclarée à laquelle sont associés leurs fans respectifs en public ou dans les médias. Au point que bon nombre d'analystes n'ont pas hésité à égrener les points marqués par Saïed contre Ghannouchi lors de sa récente visite en Egypte. Les honneurs avec lesquels il a été accueilli au Caire en disent long sur le soutien que lui a témoigné le chef de l'Etat égyptien, Abdelfattah Sissi, dans la lutte contre les intégristes. Leurs déclarations respectives laissaient transparaitre, en filigrane, tout le mal que les deux chefs d'Etat pensent des confréries islamiques. Certes, ils ont abordé plusieurs dossiers relatifs à la coopération bilatérale où la part de la lutte contre le terrorisme est d'un grand poids. D'autant plus que Saïed et Sissi pensent dans leur for intérieur que les islamistes font le lit du terrorisme. À ce propos, Kaïs Saïed est rentré en Tunisie avec, dans ses valises, un soutien indéfectible pour poursuivre sa lutte, en Tunisie, contre toute forme d'extrémisme, en premier lieu, celui que représente à ses yeux, le parti islamiste de son « ennemi juré », Rached Ghannouchi. Se cachant derrière ses fans, celui-ci a été défendu, bec et ongles par des inconditionnels de son parti qui ont, sévèrement, critiqué Kaïs Saïed, soulignant que sa visite au Caire était inopportune. Aussi, Rafik Bouchlaka, gendre de Ghannouchi et ancien ministre des Affaires étrangères, s'est-il empressé de s'attaquer au chef de l'Etat, affirmant qu'il aurait pu et dû examiner et résoudre son différend avec le parti islamiste en Tunisie et non à l'étranger. D'autres critiques ont été exprimées par le parti Al Amel (l'espoir). Ce dernier rejette l'internationalisation du conflit qui oppose le chef de l'Etat au président du Parlement, Ghannouchi. La lutte contre l'extrémisme en Tunisie est une affaire tuniso-tunisienne, dont le traitement ne doit pas déborder les frontières, estime ce parti. Même Soumaya Ghannouchi, fille de Rached, s'est mêlée pour dénoncer « au nom du peuple tunisien », la visite de Kaïs Saïed à « l'auteur d'un coup d'Etat ». Comme si elle a été mandatée par ce peuple qui, depuis quelque temps, a commencé à vomir Ennahdha et ses dirigeants. D'autres positions en faveur de Kaïs Saïed ont été adoptées par moult partis et personnalités politiques qui considèrent que soutenir cette visite vise à renforcer la lutte contre l'extrémisme et le terrorisme, affirmant que Ghannouchi ne peut pas nier son affiliation au mouvement des Frères musulmans. Cependant, ces positions ne changent rien à la donne, puisque Kaïs Saïed n'a nullement l'intention de reculer face à ce qu'il considère comme pierre d'achoppement sur laquelle butte le nécessaire développement du pays, au risque de bloquer les rouages de l'Etat. M. K.