Le parti islamiste, grâce à sa relative majorité au parlement, arrive à maintenir "en otage" la scène politique, rejetant toute possibilité de solution à la crise qui pourrait conforter le président Kaïs Saïed. La crise au sommet de l'Etat en Tunisie prend une allure prononcée de duel à fleuret moucheté entre le président de la République, Kaïs Saïed, et le président du parlement, Rached Ghannouchi, où les deux protagonistes se livrent bataille par rue interposée, faisant corser davantage le blocage politique. Les deux parties campent sur leurs positions. "Il n'est pas question aujourd'hui de dissoudre le parlement, sauf s'il n'est pas en mesure d'assurer l'une de ses principales fonctions, à savoir mettre en place un gouvernement", a déclaré dimanche le président du mouvement Ennahdha en Tunisie, Rached Ghannouchi. Cette affirmation du leader du mouvement islamiste Ennahdha se veut une réponse implicite aux appels à la dissolution de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), lancés par les partisans du président de la République Kaïs Saïed, lors d'une marche organisée samedi dernier. Une marche a été en effet organisée au centre-ville de Tunis par des partisans du président Kaïs Saïed, en provenance de différentes régions, notamment de Sousse, Sidi Bouzid, Kaïrouan, Kasserine, Gafsa et Sfax, pour dénoncer la situation de plus en plus difficile en Tunisie, ont indiqué de sources médiatiques tunisiennes. Les manifestants ont réclamé que le "système politique passe de semi-parlementaire à présidentiel", appelant à la "démission" du chef du gouvernement Hichem Mechichi. Dans ce contexte, les manifestants, qui ont réaffirmé leur soutien au président tunisien, ont également scandé des slogans hostiles au parti Ennahdha et à son chef, Rached Ghannouchi. Les contestataires ont, en outre, appelé "à prendre des mesures à l'encontre des partis politiques qui ont violé la loi et exploité l'immunité" et d'autres que la cour des comptes a épinglés pour "financements suspects". Le leader islamiste pour qui le blocage est imputable à la décision du président Kaïs de ne pas procéder à la prestation de serment du gouvernement Mechichi n'en est pas à sa première réaction. Il y a quelques jours, Ghannouchi a rassemblé des dizaines de milliers de ses disciples lors d'une démonstration de force dans la capitale tunisienne pour le soutien à légitimité constitutionnelle et, de là, au gouvernement Mechichi. Dimanche, en s'exprimant lors d'une conférence politique sur le thème "Fidélité aux valeurs de militantisme du mouvement de libération nationale", organisée par le bureau de la jeunesse du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi s'est aussi employé à lancer des piques contre ses détracteurs et à défendre son choix du système politique actuel. "En 1938, le mouvement de libération nationale a appelé à la mise en place d'un parlement tunisien", a-t-il répliqué, ajoutant que "l'idée même d'un parlement a toujours existé dans le projet de l'indépendance du pays et dans la culture politique tunisienne", a-t-il dit. Et d'ajouter : "Aujourd'hui, il y a certains qui appellent à dissoudre le parlement, c'est paradoxal." La crise politique liée au différend entre le président Kaïs Saïed et le chef du gouvernement Hichem Mechichi sur la nouvelle composante gouvernementale dure depuis plusieurs semaines en Tunisie, sans qu'aucune partie ne semble vouloir lâcher du lest. C'est dans ce contexte qu'interviennent aussi les appels à la dissolution du parlement, au motif qu'il est à dominance islamiste et que cela porterait en son sein un danger pour la cohésion du pays.