Après un démarrage laborieux, fin janvier, la campagne de vaccination anti-Covid-19 est loin d'atteindre un rythme soutenu. Les doses réceptionnées par l'Algérie jusque-là n'atteignent pas les 2 millions, tous vaccins confondus. Après une timide campagne en faveur de la vaccination, c'est au tour des mosquées de prendre le relais pour sensibiliser aux bienfaits des vaccins. Unanimes, les acteurs du système de santé réagissent, considérant que la problématique ne se posait pas en termes d'intérêt pour la vaccination, mais plutôt de disponibilité des vaccins, même si au sein même des professionnels de la santé, des réticences existent bel et bien. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Le mot d'ordre avait été donné au lancement de la campagne de vaccination : il fallait faire vite et toucher au moins 20 millions d'Algériens pour espérer atteindre une immunité collective. Trois mois après le lancement de la campagne de vaccination anti-Covid-19, le bilan est sans appel : la cadence de la vaccination est loin de répondre aux objectifs tracés. De source officielle, aucune estimation du taux de vaccination n'est avancée. À chaque fois qu'il est interpellé à ce sujet, le ministre de la Santé n'y répond pas. Pour avoir une idée de ce qui se passe sur le terrain, c'est du côté des personnes qui sont engagées dans la lutte contre le Covid-19 depuis le début qu'il faut chercher. Le chef de service des maladies infectieuses à l'établissement hospitalier de Boufarik, faisant une estimation du taux de vaccination, affirme que ce dernier avoisinait tout juste 0,17%. Le Pr Rachid Belhadj, directeur des activités médicales et paramédicales au niveau du CHU Mustapha-Pacha, ne cache pas son inquiétude assurant que «ce qui nous inquiète, c'est qu'il n'y a pas un rush pour la vaccination, y compris parmi le personnel de la santé. Le taux ne dépasse pas les 15%. À cela s'ajoute la mauvaise publicité sur certains vaccins». Le président de l'Agence nationale de sécurité sanitaire est tout aussi inquiet. Il expliquait hier dans un entretien accordé à un journal électronique que «l'inquiétude tient surtout par rapport à la pénurie en matière de vaccins qui tardent à arriver en grandes quantités. Ces vaccins sont toujours efficaces pratiquement sur tous les variants apparus récemment. Il va falloir que les vaccins arrivent le plus tôt possible». Le Pr Kamel Senhadji est catégorique : «La vaccination de masse est la stratégie la plus probante et efficace, elle aidera à ce que l'immunité collective puisse s'installer le plus rapidement possible. Les niveaux sont encore modestes pour avoir une immunité collective. On a eu un décalage important par rapport à l'acquisition des vaccins. Il va donc falloir vacciner tout le temps, tous les jours, jour et nuit, et encore cela va prendre du temps pour arriver à un niveau d'immunité collective intéressant, pour que le virus puisse ralentir et arrêter de se transmettre entre les personnes». Il n'y a que le ministre de la Santé pour tenir un discours rassurant. Pas plus tard que samedi, Abderahmane Benbouzid annonçait la réception, d'ici la fin du mois de mai, de plus d'un million de doses des vaccins anti-Covid-19, dont 400 000 du vaccin chinois Sinovac et 675 800 doses d'AstraZeneca, sans compter le reste de la commande déjà passée auprès des Russes. S'il assure que ce n'est pas le problème financier qui est derrière les retards accusés, le ministre de la Santé reconnaît que « ces livraisons restent tributaires des fournisseurs qui, eux-mêmes, peinent à respecter leurs engagements ». Dans une récente sortie médiatique, le Pr Benbouzid expliquait qu'il n'était pas possible de compter uniquement sur la vaccination pour espérer réduire la cadence des contaminations. Au rythme où les vaccins sont livrés, la stratégie de l'immunité collective est loin d'être mise en œuvre, suscitant une grande inquiétude auprès des professionnels de la santé, surtout depuis l'apparition de variants circulant plus vite et faisant planer le risque d'une troisième vague. N. I.