La nouvelle de la disparition de Monsieur Souissi m'a atterrée. Que dire de cet homme que j'ai aperçu pour la première fois à la rédaction du Soir d'Algérie, le premier journal indépendant, un certain 3 septembre 1990. En bras de chemise, il supervisait les locaux de l'ancien ministère de l'enseignement supérieur, octroyé aux nouveaux journaux de la presse privée. Je venais de me faire recruter. Il m'a été présenté comme le directeur de la publication et l'un des cinq membres fondateurs du titre. En gentleman, le sourire aux lèvres, il m'a menée au directeur de la rédaction, feu Fouad Boughanem. J'avoue que par son langage, son expérience dans le journalisme Monsieur Souissi, que j'ai toujours appelé ainsi, m'a impressionnée ; il incarnait et incarne toujours pour moi la plus belle plume, et au fond de moi, j'avais peur de ne pas être à la hauteur de ce journal que je portais aux nues. Il m'a alors dit : «Avec ta passion pour ce métier, ne t'inquiète pas, tu réussiras.» L'homme que j'admirais pour sa plume exceptionnelle, sa popularité, son franc-parler, son humour fin, sa culture, son humanisme a ouvert ma voie, la voie du journalisme de terrain. Il était lui aussi un véritable homme de terrain. Lorsque je parcourais ses reportages, je me faisais un point d'honneur de ne pas le décevoir. Un jour, après avoir corrigé l'un de mes premiers reportages, il m'avait convoquée dans son bureau et confié : «nous fondons nos espoirs sur toi, la fougue, la passion, tu les as. C'est le plus important. Désormais ton créneau sera les enquêtes et les reportages. Il suffira d'élaguer quelques petits défauts et tu es partie pour être une grande journaliste.» Je suis sortie les larmes aux yeux, ces mêmes larmes que j'ai versées lorsqu'en décembre 2017, il m'a appelée au téléphone pour m'annoncer que j'avais été choisie pour recevoir le prix international de journalisme, Omar ourtilane, initié par le journal El-Khabar. Zoubir Souissi était membre du jury. Monsieur Souissi nous manquait déjà lorsqu'il s'était retiré de la responsabilité de la publication pour se consacrer à l'écriture de ses ouvrages. Ses visites au journal se faisaient rares, mais c'était toujours le même plaisir de le revoir, toujours sur son 31, avec la même élégance que nous lui connaissions ; il effectuait une virée à la rédaction et à tous les services pour saluer leurs membres, surpris de découvrir de «nouvelles têtes», à qui il souhaitait la bienvenue. Il n'omettait jamais de lancer quelques blagues avant de nous quitter. Aujourd'hui, il nous a quittés à jamais. Je garderai en mémoire la phrase qu'il avait prononcée, lors de son ultime halte au soir d'Algérie, quelques mois avant la pandémie. Il était affaibli, et avec un sourire en coin, il m'avait lancée «Tu sais Naïma, la vieillesse c'est chiant» ! Reposez en paix Monsieur Souissi. Naïma Yachir