En politique, un axiome immuable, partout : donner une claque, NON ! Faire la claque, OUI ! Dans les élections, c'est le moment que je préfère. Du moins, dans les élections que nous connaissons le mieux. Je l'appelle volontiers, et sans qu'on ait besoin de me torturer, pour que je le baptise ainsi «Le Moment Magique» ! C'est entre le pointage de 14 heures et celui de 17 heures. Là, dans cette fenêtre, dans cet espace-temps que l'on dirait habité par les Djinns, il se passe quelque chose. J'écris «quelque chose», parce qu'en l'état des recherches menées par les scientifiques travaillant sur les phénomènes surnaturels, aucune explication plausible n'a été trouvée. Nous devons faire avec la description du phénomène. Juste ça, en espérant bien sûr des jours meilleurs à la recherche dézédienne ! À la mi-journée et des poussières d'après-midi caniculaire, les chiffres de la participation se réveillent brutalement. Contrairement à tout le pays qui, lui, est plongé dans la torpeur. C'est un chouia paradoxal, voire même bezef, pour une contrée méditerranéenne qui a la sacralité de la sieste inscrite dans le marbre de son lit, un taux qui flambe à cet horaire, rajoutant à la température. Pourtant, dans la rue, dans les écoles et même sous les écoles, rien de perceptible. Pas le frémissement d'un souffle de vent. Walou ! Les scrutateurs continuent de scruter dans le vide bromuré. Les paquets de bulletins restent à leur niveau de la mer calme et sans vagues. L'encre bleue sèche, pépère, sans se sentir particulièrement menacée dans sa quiétude d'encre pacifique et sympathique. Et le chef de Centre raconte pour la 3 467e fois aux agents assoupis mais polis, en charge de l'opération de vote, la dernière diarrhée de son moufton, celle qui a précédé l'avant-dernière poussée dentaire, maudissant au passage la disparition du Fungizone des pharmacies. N'ayant visiblement pas de problème majeur avec ses dents, peut-être même n'étant pas du tout doté de dents, le chiffre de la participation continue de grimper entre 14 heures et 17 heures. Pour aboutir sur le clou de ce moment magique : l'urne qui déborde de bulletins ! Comment sont-ils arrivés dedans ? Par quelle voie terrestre, aérienne, transcendantale ou métaphysique ont-ils chuté dans la boîte, par la fente étroite de l'ennui ? Qui les a ramenés, aucune armée bleue n'ayant visiblement investi en opération commando les bureaux de vote ? On n'en sait rien ! Et ceux qui savent ne sont pas joignables ces dernières heures pour témoigner. J'ai tenté de contacter deux ou trois d'entre eux pour essayer de lever le secret sur ce moment magique. Invariablement, j'ai eu droit à une disquette qui répétait en boucle électorale : «Absent pour le moment. Je vous rappellerai demain dimanche, après 17 heures. Inchallah !» Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue. H. L.