De Tunis, Mohamed Kettou Alors que la propagation de la Covid-19 dans le pays n'accorde aucun répit aux hautes autorités, celles-ci ne semblent, aucunement, accorder l'intérêt requis aux questions vitales des citoyens et exacerbent les dissensions entre elles, tout en reportant la solution des problèmes quotidiens dont souffre le citoyen à des lendemains incertains. Ce vendredi, la situation s'est tellement aggravée que le chef de l'Etat s'est résolu à recevoir en urgence le secrétaire général de la centrale syndicale (UGTT), puis d'enchaîner avec une audience accordée à Hichem Mechichi affublé de sa casquette de ministre de l'Intérieur par intérim, en compagnie de la ministre de la Justice. Au menu, la situation générale dans le pays aux plans politique, économique, sécuritaire et social. Une récente décision prise par le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, visait à limoger le président de l'instance nationale de lutte contre la corruption, Imed Boukhris. L'opération n'a pas été une réussite, puisque le magistrat Imed Boukhris a été reçu, quelques heures après, par le président de la République, qui a clairement désavoué Mechichi. C'est, en fait, une résurgence du bras de fer qui oppose les deux hommes depuis plusieurs mois. Les observateurs s'interrogent sur le plan concocté par le chef du gouvernement qui oublie que pour être mise en application, sa décision implique l'approbation du président de la République pour la prestation de serment du nouveau président de l'instance. Certains observateurs y voient une provocation supplémentaire à l'endroit du président de la République. Ce dernier avait, il y a quelques mois, refusé un remaniement ministériel et n'a pas changé d'avis à ce jour. Ce nouveau geste du chef du gouvernement s'avère être une nouvelle occasion servie sur un plateau à Kaïs Saïed qui renouvelle ses attaques souvent « agressives » contre le gouvernement, et sa ceinture politique au Parlement, en l'occurrence le parti islamiste de Rached Ghannouchi, si ce n'est ce dernier en personne. Ce limogeage est expliqué comme une conséquence d'une affaire qui a éclaté au grand jour sur des dossiers de corruption découverts par Imed Boukhris, mais qui n'ont pas connu de suite, a notamment dit Kaïs Saïed. Le Président est allé plus loin, affirmant que dans les hautes sphères, certains encouragent la corruption et protègent les malversations impliquant des ministres qui se sont vu refuser la prestation de serment. C'est en des termes crus que Kaïs Saïed s'est adressé à Mechichi et à la ministre de la Justice qu'il a exhortée à jouer pleinement son rôle quand il s'agit de demande de levée de l'immunité parlementaire contre certains députés corrompus. « Nul n'est au-dessus de la loi », a-t-il martelé. À ce jour, et malgré l'attitude hostile de la présidence de la République, le limogeage de Boukhris n'a pas été remis en cause. Ne pouvant ni reculer ni avancer, Mechichi a chargé le secrétaire général de l'instance concernée d'expédier les affaires courantes, en attendant de trouver une porte de sortie. Un dossier de plus sur les bras de Mechichi visé dans une campagne de dénigrement, en tant que ministre de l'Intérieur par intérim. Même au Parlement, bon nombre de députés cherchent à l'en déloger. En fait, on lui reproche sa mauvaise gestion après les dérapages récurrents des forces de l'ordre depuis qu'il préside aux destinées de ce département. À ce propos, le Président Saïed n'a pas hésité à se rendre dans un quartier populaire, théâtre de drames survenus ces deux derniers jours suite à des dépassements des éléments des forces de sécurité. Agissant sous les ordres du ministère de l'Intérieur, c'est-à-dire sous les ordres de Mechichi, certains agents n'y sont pas allés avec le dos de la cuillère. Ils ont déshabillé, sur la place publique, un enfant pour le conduire par la suite au poste tout nu. Cette scène, aussi scandaleuse qu'insupportable, a fait le tour de la toile, ce qui a provoqué le courroux du chef de l'Etat, sourcilleux sur le respect de la dignité humaine. Là encore, Kaïs Saïed n'a pas été tendre avec Mechichi qui l'écoutait religieusement. Où va la Tunisie ? C'est la question que ne cesse de poser le citoyen lambda. M. K.